24 — 26.05.2023

MEXA São Paulo

Pumpitopera Transatlantica

théâtre / performance — premiere

C12

Accessible aux personnes en chaise roulanteAssises sans dossiers | Portugais → FR, NL, EN | ⧖ 1h30 | €18 / €15 | Contient de la nudité et des lumières stroboscopiques

L’histoire du héros grec Ulysse et de son voyage de retour chez lui est relatée dans le poème l’Odyssée d’Homère. Aujourd’hui, le terme odyssée est toujours utilisé pour désigner un périple ardu. Mais où rentre-t-on lorsqu’on n’a pas de chez-soi ? Le collectif MEXA a été fondé en 2015 à la suite de flambées de violence dans les soi-disant refuges pour personnes sans-abri à São Paulo. Depuis plusieurs années, le collectif est installé à la Casa do Povo (Maison du peuple), un centre culturel juif révolutionnaire créé en 1946 pour promouvoir les valeurs de la solidarité radicale. C’est aussi là que MEXA a créé sa dernière performance, Pumpitopera Transatlantica, un mélange de textes et de musique, un opéra qui revisite les classiques de la dance music des années 90 (et par-dessus tout, le morceau Pump Up the Jam). Iels y tissent un lien entre leur histoire et l’épopée d’Ulysse. Pumpitopera Transatlantica est une performance puissante, au format inédit, une expérience transformatrice d’une pièce de théâtre dans une boîte de nuit. Dans l’espace du club C12, les dix performeur·euses de MEXA s’emparent de la mythologie grecque pour inventer une mythologie du présent.

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Pumpitopera Transatlantica

Si d’aventure vous deviez être à la recherche d’Ithaque, voici votre chance d’embarquer dans un périple extatique jusqu’au bout de la nuit. Vous risquez d’être saisi·es par des mouvements involontaires, d’arborer un rictus larmoyant ou de laisser échapper un rire homérique à quatre battements par mesure. Tout peut arriver. Le déroulement de l’action suit la trame prédéfinie d’un libretto, mais l’improvisation peut s’immiscer à tout moment dans ce pop-opéra transatlantique, pour la plus grande détresse du·de la dramaturge insomniaque. Dans cette virée nocturne, Ulysse est de passage, juste un autre anonyme parmi vous. Certain·es ont pris soin de porter des lunettes de soleil pour cause de photophobie d’un lendemain de veille. D’autres pour ne pas être ébloui·es par les flashs clignotants qui rythment les récits épiques que l’on vous racontera.

N’oubliez pas de bien vous hydrater car la nuit sera longue pour celles et ceux qui souhaitent arriver à destination. Vous rencontrerez des figures mythiques, des héros et héroïnes qui n’ont cessé d’errer en quête d’un horizon lointain au large d’un phare stroboscopique. Vivement le port et que la fête commence. Ce soir, vous êtes convié·es à l’Ithaque de MEXA : le dancefloor, cette île artificielle de tous les plaisirs et de tous les possibles.

La piste de danse a souvent été un havre de paix pour les membres de MEXA. Les artistes – un collectif de mères, de personnes racisées et LGTBQIA+, ont trouvé support, refuge et exutoire dans le contexte des soirées queer, ces concerts et spectacles drag, à un certain moment de leurs trajectoires individuelles. C’est en incarnant des personnages, et se prêtant ainsi aux jeux de rôle, que les artistes se sont dévoilé·es et ont ressurgi des cendres de la nuit. En 2015, après une série d’épisodes de violence raciale et de genre, le groupe s’est formé dans le contexte des centres d’accueil pour personnes sans-abri ou en situation de vulnérabilité sociale dans les quartiers du centre de São Paulo, au Brésil. Se prévalant de leurs expériences performatives précédentes, les artistes ont décidé de se rassembler et de se réinventer en tant que collectif tout en se réappropriant leurs histoires personnelles au travers d’une pratique théâtrale hybride, festive, et déconcertante. Dans les drames en danse et en musique de MEXA, la mégalomanie et les désirs de grandeur des participant·es côtoient la rude réalité de la marginalité métropolitaine. Avec un brio débauché et acide, ces rêveries méta-réflexives accusent et parodient les oppressants régimes de normalité. Chaque représentation est une invitation à partager l’expérience d’une altérité radicale sous les spots lumineux de la fiction.

Pumpitopera transatlantica est la première pièce que MEXA présente en dehors du Brésil, sa composition reflète le vertige abismal d’une tournée internationale et la perspective d’une traversée transatlantique si convoitée. Le point d’accroche de cette nouvelle production est l’odyssée – comprise comme référence directe à l’œuvre littéraire d’Homère (fin du VIIe siècle avant J.C.) ainsi qu’à sa définition courante désignant plus généralement toute entreprise ponctuée d’imprévus et de coups de théâtre. Le poème épique relatant le retour ardu d’Ulysse dans sa patrie, l’île d’Ithaque, est le support d’un processus de création qui s’est déclenché au début de la pandémie. Malgré l’annulation de leur spectacle lors du Festival International de Théâtre de São Paulo en mars 2020, la possibilité d’une représentation en Europe s’est profilée à ce moment-là. Comme le chant des sirènes, cette opportunité alors improbable et fantaisiste a pourtant servi de moteur et de leitmotiv lors des échanges, étalés sur plusieurs mois de confinement, entre les membres du groupe. Lorsque les réunions périodiques et répétitions ont été à nouveau permises, le collectif s’est alors penché sur l’Odyssée, ce monument de la littérature occidentale, et s’est réparti les différents chapitres et personnages pour ensuite les commenter de façon libre lors de sessions d’échanges collégiales. Au sein du groupe, l’idée d’odyssée est devenue une métaphore pour désigner leur travail polyphonique dilaté dans le temps, résultat de négociations constantes de désirs, de contraintes, de failles et de renoncements.

La narration ancestrale et archétypique d’Homère – avec ces héros, péripéties, unités narratives et mythèmes – devient la toile de fond permettant aux artistes d’appréhender et d’élaborer des récits individuels et collectifs. Sur scène, dans les coulisses ou dans la vie de tous les jours, il s’agit d’envisager la trajectoire mythique du collectif MEXA et les odyssées personnelles de chacun·e de ces artistes et performeur·ses. Entre témoignages poignants, divagations métaphysiques et exercices critiques d’imagination spéculative, les protagonistes exposent leurs rêves et aspirations : devenir un·e chanteuse célèbre, une star de la capoeira ou encore d’officier une messe travestie. Pour un groupe marqué par un historique de discriminations, d’instabilité et de précarité, la piste de danse et la scène sont, encore une fois, les lieux où il est possible d’accomplir ces épopées autofictionnelles. Enfin, c’est cette mise en scène de leur vie qui leur permet d’accomplir l’odyssée concrète d’une représentation en Europe – avec toutes les difficultés et tribulations qu’un tel déplacement peut impliquer en termes bureaucratiques, logistiques et organisationnels.

À partir de ces différentes acceptions de l’odyssée, MEXA vous propose un opéra multidisciplinaire excentrique, sulfureux et surprenant. En trois actes, les performances live, enregistrements vidéo et synchronisations sonores composent progressivement un voyage synesthésique en danse et en musique. Chants élégiaques et arias mélodramatiques se mêlent aux riffs de David Bowie, aux tubes pop romantiques, aux basses graves et aux beats entrainants de Technotronic. Au son des chœurs et des platines, vous découvrirez le répertoire chorégraphique de chacun de ces corps et la collection d’histoires vécues qui se réactivent à chaque geste dansé, à chaque pose statuaire, à chaque position défensive, à chaque stase face à vous, public averti. Laissez-vous submerger par cette mythologie transfigurée sous forme de bal et d’épiphanie profane qui retentit comme l’insight synthétique des soirées les plus mémorables. Peut-être que seul un état de transe permet d’affronter cette question sans réponse définitive : que signifie retourner à Ithaque lorsque « chez soi » n’est pas synonyme d’une demeure mais plutôt du ressenti éprouvé dans un espace sécurisé d’expression de soi ?

  • Olivia Ardui
  • Avril 2023
  • La performativité et les intersections entre arts visuels et vivants sont au centre de la pratique d’Olivia Ardui. Elle a travaillé comme curatrice au Musée d’Art de São Paulo (MASP), au Brésil, et a intégré l’équipe curatoriale de la 12e Biennale de Cuenca en Équateur. Actuellement, elle intègre le département d’histoire de l’art de l’UCLouvain tout en développant des projets d’expositions indépendants.

Présentation : Kunstenfestivaldesarts, C12
Création : MEXA | Dramaturgie : João Turchi | Concept originel : Daniela Pinheiro | Performeur·ses et cocréateur·ices : Aivan, Alê Tradução, Anita Silvia, Bárbara Britto, Daniela Pinheiro, Dourado, Patrícia Borges, Tatiane Dell Campobello | Performeuse vidéo et création vidéo : Laysa Elias | Directeur de production et concept visuel : Lu Mugayar | Production exécutive : Leonardo Birche | Lumières : Luzco | Bande originale et son : Podeserdesligado | Costumes : Anuro Anuro, Cacau Francisco | Assistant de création : Lucas Heymanns | Coach voix : Mário Sevílio | Partition chorégraphique et entraînement corporel : Daniela Pinheiro | Mise en scène : João Turchi | Remerciements spéciaux : Amy Letman, Alejandro Ahmed, Carol Mendonça, Duda Devassa, Dudu Quintanilha, Francesca Tedeschi, Gabi Gonçalves, Guilherme Giufrida, Mamba Negra, Olivia Ardui, Ricardo Frayha 
Commandé et coproduit par : Casa do Povo et Transform 
Avec le soutien de : LEEDS 2023 Year of Culture

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