29 — 31.05.2025
William Kentridge, Handspring Puppet Company Johannesburg-Le Cap
Faustus in Africa!
théâtre
| Anglais → FR, NL | ⧖ 1h30 | €25 / €20 | Coups de feu, lumières violentes
En 1995, l’artiste, réalisateur et metteur en scène sud-africain William Kentridge crée le mythique spectacle Faustus in Africa!, en collaboration avec la Handspring Puppet Company. Nourrie par un profond engagement contre l’apartheid, la pièce met en scène un Faust en safari pillant les richesses de l’Afrique et de ses habitant·es dans sa quête de savoir et de pouvoir.
Elle fut jouée lors d’une des premières éditions du Kunstenfestivaldesarts. Trente ans plus tard, Kentridge en propose une version actualisée, évoquant la fièvre extractrice et la politique dominante dans l'actuelle Afrique du Sud comme dans le monde entier. Le message de ce classique du théâtre de marionnettes reste malheureusement d’une brûlante actualité : irons-nous jusqu’à nous trahir et sceller un pacte diabolique pour assouvir notre appétit de gain immédiat ?
Le nouveau scénario entremêle le récit de Goethe et l’ironie du poète sud-africain Lesego Rampolokeng, sur une musique de James Phillips, qui amplifie les formidables animations de Kentridge. Une nouvelle génération de performeur·euses font naître sur scène une alchimie unique entre théâtre et jeu de marionnettes d’une impressionnante qualité. Un projet et un artiste exceptionnels qui ne pouvaient manquer pour cette 30e édition du festival.
"Faustus est malicieux, comique et magique." - Karen Rutter, 2025, Weekend Special
Faustus in Africa!
Depuis quelques années, l’envie de réactualiser une pièce créée il y a 30 ans grandit en nous.
Faustus in Africa!, la seconde création de William Kentridge avec Handspring Puppet Company, nous avait permis de poursuivre les expérimentations menées dans Woyzeck on the Highveld, notre première collaboration, datant de 1992.
Les animations de Woyzeck, dessinées au fusain par Kentridge dans un style quasi « préhistoriques », et projetées sur un écran en fond de scène utilisaient habilement la faculté de l’image filmée à modifier instantanément un décor de théâtre. Mais, plus intéressant encore était la capacité qu’avait le film d’animation de révéler les pensées cachées d’un personnage au visage statique sculpté dans le bois.
Dans Faustus in Africa!, le rôle de l’écran-décor s’était amplifié, de même que celui des quelques 20 marionnettes et de la musique. Au cours des années précédant 1989, date de la fin de l’interdiction de l’ANC, la musique de James Philips, aujourd’hui décédé, était devenue un symbole de résistance auprès de la jeunesse africaine. Avec Faustus in Africa!, James Philips et Warrick Sony étaient parvenus à mêler leur musique à la scénographie, composant un superbe paysage sonore évoquant l’ironie et la nostalgie.
Dans les années 1990, les marionnettistes de Handspring Puppet Company avaient pris un plaisir fou à interpréter Faustus in Africa! dans toute l’Europe et aux États-Unis. Depuis, nous avions souvent rêvé d’une résurrection, mais nous pensions que nombre d’éléments composant l’œuvre avaient été perdus avec le temps : le scénario, les marionnettes, les images vidéo, les accessoires, les décors, les costumes… Nous ne disposions d’aucune captation vidéo, seulement d’un scénario assez sommaire.
En 2021, Handspring Puppet Company a entamé une collaboration avec Lara Foot, autrice, metteuse en scène primée et directrice artistique du Baxter Theatre au Cap, pour une adaptation de Life & Times of Michael K de J.M. Coetzee. Cette première coopération a suscité chez elle une fascination grandissante pour le potentiel scénique des marionnettes.
Nous nous sommes donc mis à chercher une nouvelle collaboration. À l’heure où tout le monde semble vouloir emprunter la voie du pacte avec le diable, il nous a paru particulièrement opportun de ramener Faustus à la scène.
En réalité, tout le matériel composant Faustus in Africa! avait été stocké, et quelle ne fut pas notre joie de trouver, 30 ans plus tard, parmi les caisses, les fiches techniques du régisseur ! Les images vidéo, conservées à Johannesburg, ont subi une restauration numérique et toute la musique a été retrouvée dans les archives de Warrick Sony.
En février 2025, une toute nouvelle génération de comédien·nes s’est réunie au Cap pour écouter William Kentridge expliquer les partis pris de son adaptation de l’œuvre titanesque de Goethe et son utilisation de l’animation pour éclairer le texte.
Lara s’est ensuite plongée dans la recréation du spectacle, prenant quelques libertés avec les restrictions traditionnellement imposées par le théâtre de marionnettes. Elle a ainsi adapté 30 minutes du texte et permis à certaines séquences vidéo de se superposer à des actions scéniques.
Des nouvelles marionnettes et de nouveaux effets spéciaux ont été ajoutés, et toutes les scènes ont été rigoureusement soumises à l’avis des comédien·nes. Une scène en particulier – la vente aux enchères de la collection d’art africain de Faust – a suscité d’âpres débats. Certaines têtes sculptées sur le pupitre du commissaire-priseur ont les yeux qui bougent. Ce sont certes des sculptures mais les têtes sont bien vivantes et finissent violemment écrasées par le maillet du commissaire-priseur alors que les prix flambent. Cette puissante métaphore de l’écrasement d’un continent est rendue plus sinistre encore par le ragtime joyeux de la bande son. Faut-il changer la musique ? Faut-il supprimer cette scène ?
William Kentridge a également participé aux répétitions, mais en apportant finalement que très peu de changements. Le nouveau Faustus in Africa!, avec sa vente aux enchères intacte, prend aujourd’hui la route avec sa bénédiction.
- Basil Jones et Adrian Kolher, Handspring Puppet Company, avril 2025
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Note de William Kentridge
Faustus in Africa! a été produit à l’époque de et en réponse à l’accord négocié lors de la passation de pouvoir entre le gouvernement sud-africain nationaliste et le gouvernement du Congrès national africain (ANC). Quel était le coût éthique de cet accord, où le choix de la paix l’a remporté sur celui de la justice ?
Nous n’avons modifié aucune des images projetées. Les textes n’ont pas changé non plus. Les marionnettes ont été dépoussiérées, mais elles n’ont globalement pas subi de transformations. Sur les 30 années écoulées, les bras des marionnettistes se sont fatigués et aujourd’hui ce sont de nouveaux bras, plus jeunes et plus forts, qui se chargent des marionnettes et de l’interprétation.
Mais tout au long de ces 30 ans, l’Afrique du Sud, et même le monde, ont été chamboulés. S’il s’agit bien de la même production, l’angle depuis lequel elle s’observe a, lui, changé. Des éléments qui étaient périphériques à sa première version – la question de la propriété et du rapatriement des œuvres d’art africaines, la cupidité et la corruption dans le nouvel État sud-africain – prennent aujourd’hui davantage de place. Mais les questions essentielles du poids que fait peser l’Europe sur l’Afrique n’ont pas fondamentalement changé.
Cette version est une recréation de la pièce d’origine. Elle s’adresse au public, mais est aussi soumise aux associations et aux perceptions que le public apporte à ce qu’il regarde ; des associations et des perceptions qui se modifient avec le temps. Les mots adressés au public sont aujourd’hui entendus et vus sous un nouveau jour.
- William Kentridge, avril 2025
- Textes traduits par Diane Van Hauwaert
Présentation : Kunstenfestivaldesarts, KVS
Mise en scène : William Kentridge | Collaboratrice artistique à la mise en scène : Lara Foot | Conception et direction des marionnettes : Adrian Kohler, Basil Jones (Handspring Puppet Company) | Direction associée des marionnettes et des répétitions : Enrico Dau Yang Wey | Scénographie : Adrian Kohler, William Kentridge | Animation : William Kentridge | Construction marionnettes : Adrian Kohler, Tau Qwelane | Costumes marionnettes : Hazel Maree, Hiltrud von Seidlitz, Phyllis Midlane | Effets spéciaux : Simon Dunckley | Conception décor : Adrian Kohler | Construction décors : Dean Pitman pour Scene Visual Productions | Peinture et habillage des décors : Nadine Minnaar pour Scene Visual Productions | Traduction : Robert David MacDonald | Texte additionnel : Lesego Rampolokeng | Musique : James Phillips, Warrick Sony | Conception sonore : Simon Kohler | Éclairagiste et régisseur de production : Wesley France | Régisseuse plateau et opératrice video : Thunyelwa Rachwene | Régisseur son : Tebogo Laaka | Contrôleuse vidéo : Kim Gunning | Technicienne plateau : Lucile Quinton | Distribution : Eben Genis, Atandwa Kani, Mongi Mthombeni, Wessel Pretorius, Asanda Rilityana, Buhle Stefane, Jennifer Steyn | Quaternaire producers : Sarah Ford, Roxani Kamperou, Emmanuelle Taccard
Recréation 2025 produite par Quaternaire/Paris avec le soutien du Festival d'Automne, Théâtre de la Ville | Coproduction : Kunstenfestivaldesarts, The Baxter Theatre Centre at the University of Cape Town, Centre d'art Battat, Printemps des Comédiens 2025, Domaine d’O, Fondazione Campania des Festival, Grec Festival, Thalia Theater
La version 1995 a été produite par Handspring Puppet Company en association avec The Market Theatre, Art Bureau, Kunstfest, Standard Bank National Arts Festival, The Foundation for the Creative Arts, Sharp Electronics et Mannie Manim Productions
FAUST I et II © La succession de Robert David Macdonald
Robert David MacDonald’s estate est représenté par Alan Brodie Representation, London
Handspring Puppet Company est représentée dans le monde entier par Quaternaire / Sarah Ford
En mémoire de James Phillips (1959-1995)
Remerciements à l'équipe du Baxter Theatre Centre, William Kentridge Studio, Stefanie Carp, Carlo Daniels, Susan Ford, Paul Golub, Joël Gunzburger, Frie Leysen, Konstantinos Liopyris, Grace Lorenzo, Michael Morris, Herman Sorgeloos
Avec le soutien de la FondationvAmmodo




