25 — 29.05.2024

Soa Ratsifandrihana Bruxelles

Fampitaha, fampita, fampitàna

danse — premiere

Théâtre Varia

Venue avec une chaise roulante à confirmer lors de la réservation en ligne ou via la billetterieAccessible pour des personnes en chaise roulante avec assistance | Français, Malgache, Créole haïtien → NL, FR, EN | ⧖ 1h | €20 / €16

Fampitaha, fampita, fampitàna, trois mots malgaches signifiant comparaison, transmission et rivalité. Dans une partition de gestes abstraits et figuratifs, la danseuse et chorégraphe Soa Ratsifandrihana se nourrit de son récit diasporique et de ses origines malgaches pour nous raconter une histoire qu’elle aurait aimé entendre ou voir enfant. Récits radiophoniques, musicaux et chorégraphiques s’entremêlent dans une performance entre l’oralité et le mouvement pour nous rappeler que les corps, au même titre que les paroles ou les sons, portent nos histoires. Ratsifandrihana – précédemment remarquée en tant que danseuse de Rosas dans la nouvelle version de Fase – s’est inspirée de paroles et récits qu’elle a recueillis lors d’un voyage récent à Madagascar. Entourée du guitariste Joël Rabesolo et des performeur·euses Audrey Merilus et Stanley Ollivier, elle voyage vers une forme d’errance et explore comment, à l’image de la créolisation, plusieurs influences peuvent mener à un éclatement inouï de cultures. Tout comme le changement d’accentuation entre « fampitaha », « fampita » et « fampitàna » fait évoluer le sens du mot, les danseur·euses glissent d’un état à l’autre et semblent suivre un mouvement en perpétuelle métamorphose.

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Interview avec Soa Ratsifandrihana

Fampitaha, fampita, fampitàna est votre deuxième pièce. Comment avez-vous rencontré la danse ?
Tout a commencé dans le salon de la maison familiale, où j’ai beaucoup dansé. Si mes parents sont des scientifiques, iels écoutaient tout de même beaucoup de musique, particulièrement du jazz et du disco. C’est là que j’ai vraiment commencé à avoir un appétit pour le mouvement et le chant. À cinq ans déjà, je prenais des cours d’expression corporelle. Plus tard, j’ai fait des études universitaires en biologie et en géologie et mes parents auraient préféré que je continue sur cette voie, mais leur exigence n’a fait que me motiver davantage pour la danse. J’ai pu intégrer le conservatoire de Paris, où j’ai suivi un parcours assez académique, et à 19 ans je suis devenue interprète pour James Thierrée, Salia Sanou et Anne Teresa De Keersmaeker.

Quels sont les éléments moteurs de vos créations ?
Mon solo gr oo ve était un retour à l’essentiel, un acte pour retrouver le plaisir de danser et pour partager ce plaisir avec générosité. Dans Fampitaha, fampita, fampitàna, j’accomplis ce chemin de retour vers soi avec deux autres artistes chorégraphiques, et un musicien qui fait aussi partie de la diaspora malgache bruxelloise. Il s’agit de partager nos ambivalences, nos contradictions en tant qu’enfants de diverses diasporas, mais aussi ce qui est répertorié dans nos corps. Ces personnes ont vécu des choses similaires à moi, mais ne se posent pas forcément les mêmes questions ou n’y donnent pas les mêmes réponses. Audrey Mérilus est une danseuse contemporaine et curatrice, et Stanley Ollivier est créateur de performances, DJ et animateur radio. Nous sommes trois artistes chorégraphiques français·es qui cherchons à retrouver un plaisir essentiel à danser, dimension qui est souvent écartée par le souci de représentativité ou de neutralité, tant qu’à la fin on ne sait plus ce que danser veut dire.

Quelle place a votre relation à Madagascar pour votre création Fampitaha, fampita, fampitàna ?
Je n’ai passé que six mois de ma vie à Madagascar, mais j’y ai de la famille et je me sens assez proche de sa culture. Je suis actuellement en train d’apprendre le malgache, que j’ai entendu pendant mon enfance, sans le pratiquer. Ma pièce Fampitaha, fampita, fampitàna constitue un diptyque dont la première partie est une création radiophonique, portant sur un récent voyage à Madagascar, où j’ai rencontré une historienne, un conteur, une conteuse, une slameuse, des chorégraphes, etc. Ce podcast Rouge cratère est un travail sur l’oralité et la langue, a été diffusé à la radio (note : disponible sur les plateformes d’écoute le 26 juin 2024). Il devient ici une partie intégrante du spectacle. Dans ce diptyque, je questionne l’histoire coloniale, puisque j’ai pu faire l’expérience directe des asymétries d’ordre social ou économique, éprouver le manque d’outils en Europe pour apprendre la langue malgache et l’histoire de Madagascar. Le point de vue des ouvrages européens est en effet plutôt anthropologique ou est teinté du regard colonial malgré un désir d’objectivité.

Y a-t-il des éléments provenant de danses malgaches qui innervent votre écriture chorégraphique ?
Plutôt un état d’esprit et une énergie. J’aime regarder ces danses, mais je ne les ai jamais apprises, sauf quelques danses de fêtes et de célébrations qui sont présentes dans la diaspora malgache. Pourtant, une chorégraphe à Madagascar, m’a dit qu’en me regardant danser elle avait l’impression que je n’avais jamais quitté l’île. Il y a donc quelque chose de plus profond, une forme de nervosité, qui résiste à l’enseignement académique. C’est quelque chose que je partage aussi avec le musicien Joël Rabesolo, qui vient de la scène jazz mais qui navigue avec liberté et brio dans des genres musicaux très hétéroclites. Il a écrit la musique de Fampitaha, fampita, fampitàna au fil du processus de création.

Si le spectacle parle de vos vécus en tant qu’enfants de diasporas sur le territoire européen, son titre est néanmoins malgache. Que signifient ces trois mots ?
Fampitaha veut dire « comparaison » et, traduit littéralement, « je vois le reflet de moi à travers toi ». C’est l’idée du miroir. Mais c’est également une danse du XIXe siècle qui est encore présente aujourd’hui malgré la colonisation, autant en zones rurales qu’urbaines. Il s’agit d’une rencontre où s’affrontent deux équipes de danseur·ses qui improvisent, comme aujourd’hui lors des battles. Les meilleur·es étaient invité·es à venir danser devant le roi ou la reine. C’est un moment où beaucoup de danses populaires, aujourd’hui considérées comme traditionnelles, ont été créées. Le fampita, c’est la transmission. Ce terme représente les échanges avec les personnes que j’ai pu rencontrer à Madagascar, la transmission de la langue, du passé, de la façon de s’exprimer et des gestes, car tout cela est d’une grande richesse. Et fampitàna, c’est la rivalité qui peut exister entre cultures hégémoniques et cultures encore dites “sous-cultures”.

Vous mentionnez la pensée d’Édouard Glissant comme source d’inspiration. En pensant à son concept de la créolisation, on peut ici penser à votre mélange des langages artistiques.
Ses écrits m’ont accompagnée et ont été conseillés par un proche collaborateur, Sékou Séméga, qui a accompagné avec toute sa poésie, l’écriture de Rouge cratère et le spectacle. L’idée du voyage et de la circulation est présente dans mon travail. Par ailleurs, concernant les questions autour de la langue, les corps des danseur·ses sont ici sonorisés. Ils ne resteront donc pas muets. Nous avons des choses à raconter. Et cela reflète aussi notre processus de travail, très collaboratif, basé sur la rencontre.

Entretien réalisé par Thomas Hahn
Avril 2024

Présentation : Kunstenfestivaldesarts, Théâtre Varia, Kaaitheater
Direction artistique : Soa Ratsifandrihana | Chorégraphie et interprétation : Audrey Mérilus, Stanley Ollivier, Soa Ratsifandrihana | La phrase footwork est de Raza | Musique originale et interprétation : Joël Rabesolo | Dramaturgie : Lily Brieu Nguyen | Collaboration artistique : Jérémie Polin Razanaparany aka Raza, Amelia Ewu, Thi Mai Nguyen | Lumières : Marie-Christine Soma | Costumes : Harilay Rabenjamina | Son : Chloé Despax, Guilhem Angot | Regard sur les questions de transmission et d’identité : Prisca Ratovonasy | Textes : Sékou Semega | Vidéos : Valérianne Poidevin | Régie générale : Blaise Cagnac | Régie lumière : Diane Guérin | Régie son : Guilhem Angot
Développement, production, diffusion : ama brussels – Babacar Ba, Clara Schmitt, France Morin | Production déléguée : ama brussels, Théâtre Varia en collaboration avec Météores | Coproduction : Kunstenfestivaldesarts, Kaaitheater, Théâtre Varia, Charleroi danse, MC93 — Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis, ICI – centre chorégraphique national Montpellier Occitanie (direction Christian Rizzo), centre chorégraphique national d’Orléans (direction Maud Le Pladec), Le Gymnase-CDCN Roubaix, La Place de la Danse-CDCN Toulouse • Occitanie, Fonds Yavarhoussen, Tanz im August/HAU Hebbel am Ufer, Fonds Transfabrik - fonds franco-allemand pour le spectacle vivant, La Coop asbl, Shelter Prod, A-CDCN (Les Hivernales – CDCN d’Avignon, La Manufacture – CDCN Nouvelle-Aquitaine Bordeaux • La Rochelle, L’échangeur – CDCN Hauts-de-France, Le Dancing CDCN Dijon Bourgogne-Franche-Comté, Chorège CDCN Falaise Normandie, Le Pacifique – CDCN Grenoble • Auvergne • Rhône-Alpes, Touka Danses – CDCN Guyane, Atelier de Paris – CDCN, Le Gymnase CDCN Roubaix • Hauts-de-France, POLE-SUD CDCN Strasbourg, La Place de la Danse – CDCN Toulouse – Occitanie, La Maison Danse CDCN Uzès Gard Occitanie, La briqueterie CDCN du Val-de-Marne)
Résidences : ICI – CCN Montpellier Occitanie, La Bellone – Maison du spectacle, Gemeenschapscentrum De Kriekelaar, Université d’Antananarivo, KAAP, Le Gymnase – CDCN Roubaix, Théâtre Varia, CCN d’Orléans, Radio Grenouille | Avec le soutien de Dance Reflections by Van Cleef & Arpels, Fédération Wallonie-Bruxelles – Service de la danse, Wallonie-Bruxelles International, taxshelter.be, ING et tax shelter du gouvernement fédéral belge
Soa Ratsifandrihana est artiste en résidence au Kaaitheater pour la période 2023-25
Remerciements à : Julie Iarisoa, Makwa Joma, Arikaomisa Randria, à Naivo | Merci à Maria Dogahe, Jonathan, Do sy Bodo | Pour Rado 

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