11 — 14.05.2023

Nadia Beugré Abidjan-Montpellier

Prophétique (On est déjà né·es)

danse — premiere

Le Rideau

Accessible aux personnes en chaise roulante | Français, Nouchi → NL, EN | ⧖ ±1h20 | €20 / €16 | Contient de la nudité

Il y a deux ans, Nadia Beugré a rencontré plusieurs membres de la communauté transgenre d’Abidjan, la ville où elle a grandi, avec qui elle a ensuite commencé à travailler sur la conception de ce spectacle. Né·es garçons, iels naviguent entre les genres dans une société qui – dans le meilleur des cas – détourne le regard. Coiffeur·euses le jour et divas des dancefloors la nuit, iels vivent à la fois de manière clandestine et terriblement exposée. Lié·es par un circuit parallèle de solidarité, iels inventent des danses bien à elleux qui, entre voguing et coupé-décalé, font et défont les nuits d’Abidjan. Après le succès retentissant de L’homme rare, la chorégraphe ivoirienne Nadia Beugré revient au festival avec une première mondiale. Dans Prophétique (On est déjà né·es), elle approfondit son exploration chorégraphique du genre, des identités assignées et de ce qui est perçu à la périphérie de la norme. La salle de théâtre devient un espace en perpétuelle transition, entre salon de coiffure et piste de danse. Rien n’est figé, tout comme chaque mouvement du corps est une ode à la possibilité d’être pluriel·le. Dans cette pièce à la fois intime et explosive, Beugré dessine un nouveau portrait de la féminité, dans lequel la danse devient le langage d’une nouvelle forme de solidarité.

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PROPHÉTIQUE (ON EST DÉJÀ NÉ·ES)

Un premier souvenir…         

Je suis enfant, l’un·e des nombreux·ses enfants de mon père, un chef de clan musulman, respecté par sa communauté.         

Je me suis glissée dans sa chambre, mon père ne le sait pas. Assis devant sa coiffeuse, des pommades devant lui, il se coiffe, attentif, vulnérable, désarmé…         

Enfant, je dors ou fais semblant de dormir, des tantes parlent à côté, elles disent que je suis comme ça parce que ma mère ne m’a pas allaitée. Je garde les yeux fermés.         Plus tard, j’ai grandi et suis devenue comme ça, ma mère nous a déjà quitté·es. Je me demande parfois si elle m’aurait accouchée si elle avait su que je serais devenue comme ça…         

Encore plus tard, une spectatrice qui assiste à 10 000 gestes de Boris Charmatz, pièce dans laquelle je danse en string et soutien-gorge, me demande après le spectacle pourquoi j’ai choisi ce « rôle ». Pourquoi me pose-elle cette question, moi parmi la vingtaine d’autres interprètes sur scène et à quel « rôle » fait-elle référence ? Je comprends que quelque chose m’échappe dans le regard que l’on porte sur moi ici, en Europe. 

Peut-être la même année, je suis à Abidjan, en virée nocturne, je me retrouve dans un petit coin, un bar, l’atmosphère est électrique, une scène se monte, un décor, des costumes, ça scintille en cachette, ma première rencontre avec la communauté trans. Divas clandestines des dancefloor la nuit, elles sont le jour celles qui prennent soin de la beauté des autres, coiffeuses, esthéticiennes, dans les petites boutiques autour des marchés. Que se passe-t-il donc entre le jour et la nuit ?         

Pour les gens qui font leurs courses à Yopougon, elles sont les « folles », oubliant que leurs femmes, leurs sœurs et leurs filles se font tresser chaque mois dans leurs salons colorés. 

Ignorant bien sûr la puissance de la folie et cette incroyable audace à déjouer les rôles d’une société qui en impose à tous·tes ses membres, de l’enfance jusqu’à 
la mort. 

Est-ce que ma mère m’aurait accouchée ? 

2022, je décide de convier sur scène les salons de coiffure de Yopougon, les pommades de mon père, les rôles, ceux que l’on vous donne, ceux que l’on prend, ceux que l’on refuse, et ces filles de la marge, les « échouées », celles qu’on rejette, celles qu’on ignore, celles qui gênent, celles qui aboient, celles qui font corps toujours, celles qu’on désire du coin de l’œil, celles qui inventent leur nom, celles qui dansent sur le fil, celles qui brûlent comme du pétrole, celles qui prennent place…, non, celles qui font place, les magiciennes, celles qui lisent dans les paumes pour écrire le monde de demain. Prophétique ?              

  • Nadia Beugré, Virginie Dupray         
  • Avril 2023

Présentation : Kunstenfestivaldesarts, Le Rideau

Direction artistique : Nadia Beugré | Scénographie : Jean-Christophe Lanquetin | Création lumière : Anthony Merlaud | Assistants à la direction artistique : Christian Romain Kossa, Adonis Nebié | Interprètes : Beyoncé, Canel, Jhaya Caupenne, Taylor Dear, Acauã El Bandide Shereya, Kevin Kero
Production : Libr’Arts/Virginie Dupray | Coproduction : Kunstenfestivaldesart, Le Rideau, Montpellier Danse, Points Communs Cergy Pontoise, Holland Festival, CULTURESCAPES 2023 Sahara, ICI - Centre chorégraphique national Montpellier Occitanie / direction Christian Rizzo dans le cadre de l'Acceuil Studio, Fonds Transfabrik – Fonds franco-allemand pour le spectacle vivant, Tanz im August / HAU Hebbel am Ufer, La Place de la danse CDCN Toulouse Occitanie, théâtre Garonne scène européenne - Toulouse, Centre Pompidou Paris, Festival d’Automne à Paris, Spielart festival, Théâtre de Freiburg, Africa Moment

Accueil studio : Montpellier Danse à l’Agora, La Place de la danse CDCN Toulouse Occitanie

Avec le soutien de : Direction régionale des affaires culturelles Occitanie – Ministère de la Culture et de la Communication (compagnie conventionnée)

Remerciements : Ivoire Marionnettes Abidjan, Institut français de Côte d’Ivoire

Performances à Bruxelles avec le soutien de l’Institut Français et l’Ambassade de France en Belgique, dans le cadre d’EXTRA

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