26 — 28.05.2023
Calixto Neto Récife-Paris
IL FAUX
danse — premiere
| Portugais, Français → FR, NL, EN | ⧖ 1h | €18 / €15 | Peut contenir de la nudité
Dans Between the World and Me, Ta-Nehesi Coates écrit une lettre à son fils adolescent qui apprend à connaître le monde et ses dangers. En tant qu’homme noir aux États-Unis, Coates sait que son fils peut perdre son corps à tout moment : un corps ne lui appartenant pas et pouvant lui être enlevé à tout moment ; face aux violences policières, aux logiques de la rue ou à la possibilité d’une vie plus facile en effaçant ses racines pour devenir une enveloppe vide de vie intérieure. Ce livre constitue le point de départ de la nouvelle création de Calixto Neto. Après avoir co-créé Outrar avec Lia Rodrigues en 2021, le danseur et chorégraphe né au Brésil revient au festival avec une première mondiale, dans laquelle il donne corps à des situations de manipulation et explore la ventriloquie. Comme s’il s’agissait d’un imposteur, son corps émet un discours sans être identifié comme le locuteur et bouge comme s’il ne lui appartenait plus. IL FAUX explose en un théâtre de gestes et de sons qui rend hommage à tous·tes celleux dont le corps est sans cesse à reconquérir et à réaffirmer. Avec une incroyable présence sur scène, Neto nous guide – comme dans un spectacle de magie – entre dépossession du corps et puissance de sa reconquête.
IL FAUX
« Danse pour un corps dépossédé.
Illusion-confusion feat. pouvoir-résistance.
La dépossession rencontre la fiction rencontre la violence d’État rencontre la viande rencontre la chair.
La création comme manipulation.
Souriez comme si vous aimiez cela, dites bonjour aux invité·es.
Applaudissements ! Une salve d’applaudissements !
Tout ce que vous voyez est réel ».
En 2019, mon amie Ghyslaine Gau m’a prêté un livre intitulé Une Colère Noire de l’écrivain afro-américain Ta-Nehesi Coates. Dans cette lettre adressée à son fils, qui allait avoir quinze ans, Coates le met en garde contre les dangers d’être un adolescent afro-américain et bientôt un homme noir. Avec ce livre, il exprime sa crainte que son fils ne perde son corps. Ces trois derniers mots m’ont frappé par leur familiarité, ils charriaient quelque chose que je connaissais de chez moi – des mots qui avaient été métabolisés et transformés en transmission du vocabulaire de la peur, de la chorégraphie de la survie, de la nécessité de revérifier le monde qui m’entoure pour me tenir à l’écart du danger. C’est comme une grammaire que j’ai apprise très tôt et que je porte encore aujourd’hui dans mon corps, peut-être parce que le monde ne me laisse pas oublier qu’à tout moment, je peux être le prochain à perdre mon corps.
Il y a quelque temps, je suis allé vérifier mon acte de naissance et j’ai réalisé que la façon dont mon père m’a préservé de ces dangers, ou l’a tout du moins essayé, a été d’inscrire sur ce document de toute une vie que ma couleur de peau était bronzée (morena). Et je me suis souvenu qu’il y a quelques années j’avais vu une liste, constituée en 1976 dans le cadre d’une enquête gouvernementale, reprenant les termes utilisés par la population brésilienne pour définir ses différentes couleurs de peau. Sur cette liste, morena (bronzée) se trouve en 84e position sur 134 termes. La population brésilienne a toujours fait preuve d’une grande créativité pour nommer ce qu’il y a entre le noir et le blanc, s’inventant par cela un moyen pour éviter d’imprimer sur sa peau la possibilité de perdre son corps. Certains termes de cette liste n’apparaîtraient plus dans ce genre d’enquête aujourd’hui. Le racisme reste très présent au sein de la population brésilienne, mais elle n’en est pas moins très attentive à cette question et continue aujourd’hui encore à nommer sa couleur de peau ; la population Noire assumant pleinement depuis une vingtaine d’années sa place en tant qu’afro-descendante, quand bien même elle se définirait dans la liste comme numéro 32, ou 78, ou 111…
En 107e position, nous trouvons sur cette liste un mot qui englobe en quelque sorte cette variation entre le noir et le blanc : parda. Parda représente aujourd’hui la plus grande partie de la population brésilienne. La communauté Noire a décidé il y a longtemps d’inclure cette partie de la population et de la considérer comme noire. Parce qu’en tant que catégorie ethno-raciale, pardo est apparu dans la violence, parce que la beauté du mélange n’était pas précisément l’une des valeurs de la colonisation, parce que les théories du blanchiment racial étaient largement acceptées et ont même guidé la politique de l’État jusqu’au début du siècle dernier. Aujourd’hui encore, plus on s’éloigne de la couleur noire, plus on se rapproche des privilèges, et plus on s’éloigne du danger de perdre son corps.
Mais pardo est également un type de papier au Brésil. Ce qui me fait penser à l’artiste afro-brésilien Maxwell Alexandre, qui a créé en 2017 une série de peintures utilisant le papier pardo comme support, représentant des personnes noires dans des situations à la fois ordinaires et extraordinaires. La couleur de la peau noire, confondue avec celle du papier, revient comme une condition de résistance, comme une réaction : « pardo é papel! » [pardo = papier !]. Ce faisant, Maxwell rejoint l’initiative politique du mouvement Noir et nous propose un nouveau pouvoir, à nous, le peuple. Si dans les faits, nous ne l’avons pas, nous le rêvons et l’écrivons, le chantons, le dansons, le peignons – comme un appel à l’histoire : l’avenir inéluctable de la reconquête de nos corps.
Ou pour faire comprendre au monde que nous sommes déjà là.
- Calixto Neto
- Mai 2023
Couleur
1. acastanhada
2. agalegada
3. alva
4. alva-escura
5. alverenta
6. alvarinta
7. alva-rosada
8. alvinha
9. amarela
10. amarelada
11. amarela-quemada
12. amarelosa
13. amorenada
14. avermelhada
15. azul
16. azul-marinho
17. baiano
18. bem-branca
19. bem-clara
20. bem-morena
21. branca
22. branca-avermelhada
23. branca-melada
24. branca-morena
25. branca-pálida
26. branca-queimada
27. branca-sardenta
28. branca-suja
29. branquiça
30. branquinha
31. bronze
32. bronzeada
33.bugrezinha-escura
34.burro-quando-foge
35. cabocla
36. cabo-verde
37. café
38. café-com-leite
39. canela
40. canelada
41. cardão
42. castanha
43. castanha-clara
44. castanha-escura
45. chocolate
46. clara
47. clarinha
48. cobre
49. corada
50. cor-de-café
51. cor-de-canela
52. cor-de-cuia
53. cor-de-leite
54. cor-de-ouro
55. cor-de-rosa
56. cor-firma
57. crioula
58. encerada
59. enxofrada
60. esbranque-cimento
61. escura
62. escurinha
63. fogoio
64. galega
65. galegada
66. jambo
67. laranja
68. lilás
69. loira
70. loira-clara
71. loura
72. lourinha
73. malaia
74. marinheira
75. marron
76. meio-amarela
77. meio-branca
78. meio-morena
79. meio-preta
80. melada
81. mestiça
82. miscigenação
83. mista
84. morena
85. morena-bem-chegada
86. morena-bronzeada
87. morena-canelada
88. morena-castanha
89. morena-clara
90. morena-cor-de-canela
91. morena-jambo
92. morenada
93. morena-escura
94. morena-fechada
95. morenão
96. morena-parda
97. morena-roxa
98. morena-ruiva
99. morena-trigueira
100. moreninha
101. mulata
102. mulatinha
104. negrota
105. pálida
106. paraíba
107. parda
108. parda-clara
109. polaca
110. pouco-clara
111. pouco-morena
112. preta
113. pretinha
114. puxa-para-branca
115. quase-negra
116. queimada
117. queimada-de-praia
118. queimada-de-sol
119. regular
120. retinta
121. rosa
122. rosada
123. rosa-queimada
124. roxa
125. ruiva
126. russo
127. sapecada
128. sarará
129. saraúba
130. tostada
131. trigueira
132. turva
133. verde
134. vermelha
Liste établie en 1976 par l’Institut brésilien de géographie et de statistique – IBGE, l’organisme gouvernemental chargé du recensement – dans le cadre d’une recherche visant à collecter les termes utilisés par la population pour décrire sa couleur de peau. Cette liste a été trouvée dans la thèse de doctorat de l’enseignante-chercheuse-artiste brésilienne Eleonora Fabião, PRECARIOUS, PRECARIOUS, PRECARIOUS. Performative Historiography and the Energetics of Paradox: Arthur Bispo do Rosario’s and Lygia Clark’s works in Rio de Janeiro, New York University, 2006.
Présentation : Kunstenfestivaldesarts, Charleroi danse
Chorégraphie et interprétation : Calixto Neto | Conseiller artistique : Luiz de Abreu | Collaboration artistique : Ana Laura Nascimento, Carolina Campos | Production : Julie Le Gall | Création lumière : Eduardo Abdala | Création son : Chaos Clay | Décor & costumes : Rachel Garcia | Coach vocal : Dalila Khatir | Direction technique : Emmanuel Fornès | Production déléguée : VOA - Calixto Neto
Coproduction : Kunstenfestivaldesarts, Charleroi danse - Centre chorégraphique de Wallonie-Bruxelles, Festival d’Automne à Paris, Centre National de la Danse, ICI-CCN de Montpellier, Theater Freiburg, CCN-Ballet national de Marseille dans le cadre de l’Accueil-studio/Ministère de la Culture, CCN de Caen en Normandie dans le cadre de l’Accueil-studio, CNDC Angers, CCN d’Orléans
Avec le soutien de : la Villa Albertine en partenariat avec l’Ambassade de France aux Etats-Unis et du Teatro Municipal do Porto Rivoli - Campo Alegre
Remerciements : Ana Pi, João Torres, Fabiana Ex-Souza, Clément Vergé, Georgina Moreira, Thamara Moreira
Performances à Bruxelles avec le soutien de l’Institut Français et l’Ambassade de France en Belgique, dans le cadre d’EXTRA
IL FAUX est le projet soutenu par les Friends du Kunstenfestivaldesarts en 2023