11.05 — 03.06.2023

Amol K Patil Mumbai

Talking Sweepers / Black Masks on Roller Skates

performance durationnelle / exposition — premiere

Skate parc des Ursulines / Les Brigittines

À l'extérieur | Debout, sans places assises | Gratuit

Et si nous nous réapproprions l'espace public dans un but de protestation, à l’aide de patins à roulettes ? C’est le point de départ du travail d’Amol K Patil, performeur et artiste visuel installé à Mumbai. Sa pratique finement travaillée, venant de la peinture et de la sculpture, lui permet de créer des images délicates qui évoquent des conditions de travail précaires. Récemment, Patil a conçu une série de performances utilisant des patins à roulettes équipés de brosses, dans lesquelles des personnes transportent une chaîne stéréo diffusant des chansons. Dans ces chansons, originaires d’une tradition indienne de protestation du XVIIe siècle appelée powada, les interprètes remettent en question le statut des travailleur·euses et dénoncent des inégalités sociales, à l'instar du rap aujourd'hui. Pour son premier projet à Bruxelles, Amol K Patil présente, d'une part, des œuvres visuelles au centre du festival et s'installe, d'autre part, dans les Marolles, un quartier populaire et historique du centre-ville. Il y crée une performance en collaboration avec des collectif·ves de skateuses féministes locales qui fréquentent le skatepark du quartier. Ensemble, iels infiltrent l’espace public pour partager des récits de lutte sociale et invitent les passant·es à une performance saisissante à l’ouverture et la clôture du festival.

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AMOL K PATIL

Talking Sweepers

« Mon grand-père était un artiste Powada anticolonialiste qui mêlait sa critique de l’empire à celle de la violence inhérente à l’inégalité graduelle du système des castes qui, en Inde, divise hiérarchiquement non seulement le travail, mais aussi les travailleur·euses.

Le Powada est une forme lyrique et musicale souvent mise en scène par des personnes itinérantes. Elle remonte au treizième siècle, lorsque les poètes des cours royales composaient des chansons théâtrales à la gloire des dieux. Le mouvement dalit 1 a réinventé cette tradition dans le Maharashtra. Il a transformé sa propension dévotionnelle en un idiome radical qui s’attaque aux problèmes sociaux et réimagine politiquement la structure de la société indienne. Avec ses longs poèmes révolutionnaires, le Powada constitue également un outil politique redéfinissant ce qui compose le public indien.

Pour mon installation, je m’appuie sur les traditions théâtrales et performatives nichées dans les quartiers populaires de Mumbai, ainsi que sur ma propre histoire familiale. Je me souviens d’un ami de mon père, Anil Tuebhekar, qui se déplaçait sur des patins à roulettes, un balai à la main et une radio accrochée à la taille, balayant la rue tous les jours. Il nettoyait la ville, mais était conscient de ne pas être le bienvenu dans le bus ou à l’hôtel pour boire un verre d’eau. Se couper du monde à l’aide de musique était sa protestation individuelle. M’inscrivant en héritier de cette protestation individuelle, j’ai conçu des patins cinétiques munis d’une brosse qui fait office de balai ou d’outil de nettoyage. »

Amol K Patil

(extrait d’un entretien avec Elisabeth Dietz)

L’exposition d’Amol K Patil dans le cadre du Kunstenfestivaldesarts est un hommage à l’ami de son père, une réflexion sur la dignité du travail et un écho à l’histoire ouvrière du quartier des Marolles. Elle comprend une série de dessins, une vidéo et un ensemble de sculptures.

Dans la série de 16 dessins Talking Sweepers (sérigraphies, 2014), Amol K Patil s’approprie les histoires orales de B R Ambedkar, le penseur qui a donné à l’Inde le moyen de sortir du système de castes et de parvenir à l’égalité sociale. Les chansons de protestation d’Ambedkar, calligraphiée par le grand-père de Patil et que ce dernier a retrouvées, lui donnent l’impulsion d’une série d’œuvres dans laquelle les mots de ces chansons entrent en dialogue avec des dessins de parties de corps et de paysages issus du monde du travail.

L’exposition présente la vidéo Black Masks on Roller Skates (vidéo avec son, 10 min), pour laquelle Amol K Patil a créé un ensemble de patins à roulettes équipés d’une brosse rotative. L’action consistant à traverser l’espace public avec ces patins et une chaîne stéréo diffusant des chansons de grève constitue un hommage à l’ami de son père.

La troisième partie de ce triptyque présente une série de nouvelles sculptures, créées à partir d’objets achetés au marché aux puces de la place du Jeu de Balle, situé à quelques centaines de mètres des Brigittines, et recouverts de poussière par l’artiste. En les observant, ces objets semblent ancrés dans une activité laborieuse ou un imaginaire colonial ; pourtant, ils sont transformés – un élément récurrent dans la pratique de Patil. Comme après une grève, ils ont abandonné leur fonction et sont rendus obsolètes par la poussière qui recouvre leurs traits, les transformant ainsi en artefacts.

L’exposition est conçue comme une petite présentation d’objets dans un format presque domestique. Elle est créée pour un espace spécifique des Brigittines et pour être visible de l’intérieur comme de l’extérieur, articulant dès lors un lien entre le théâtre et l’espace public, des lieux centraux dans la pratique de Patil.

L’exposition est accompagnée de deux performances dans le skatepark des Ursulines, qui ouvrent et clôturent le festival. Pour ces performances, Amol K Patil a collaboré avec une collective de patineuses à roulettes du quartier, La Patinerie, en partageant avec ses membres l’histoire de l’écriture des chansons Powada ainsi que l’infiltration de récits politiques dans la ville à travers les patins à roulettes. Les participantes ont écrit une série de réponses, portant de nouveaux récits dans l’espace public et forgeant une nouvelle occupation de celui-ci ; elles distribueront ces récits autour du skatepark sur les patins personnalisés par Patil.

Dans un axe idéal entre le skate park, les Brigittines et la place du Jeu de Balle, le projet retrace la géographie du quartier des Marolles et son identité centrale dans l’histoire ouvrière de la ville.

1 Dalit / Dalita, qui signifie « brisé / éparpillé », désigne les personnes appartenant aux castes les plus basses de l’Inde, autrefois qualifiées d’« intouchables ». Les Dalits ont le statut social le plus bas dans la structure sociale traditionnelle hindoue. La discrimination à leur égard a été observée dans toute l’Asie du Sud et au sein de la diaspora sud-asiatique. Selon un rapport publié en 2007 par Human Rights Watch (HRW), le traitement des Dalits s’apparente à un « apartheid caché » et iels « subissent une ségrégation en matière de logement, de scolarisation et d’accès aux services publics ». Dans l’Inde rurale, iels continuent de vivre dans des quartiers isolés, effectuent les travaux les plus sales et n’ont pas le droit d’utiliser le puits du village ni d’autres installations communes.

Un projet d’Amol K Patil | En collaboration avec YALGAAR Sanskrutik Manch et Sachin Pitale | Avec un groupe de skaters 
Une première version de ce projet a été créée pour la Documenta 15, commissionnée par ruangrupa 
En collaboration avec Girls Make The City, un projet de ZIJkant et Wetopia

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