18 — 22.05.2025

Lina Majdalanie, Rabih Mroué Beyrouth-Berlin

Four Walls and a Roof

théâtre

Beursschouwburg

Accessible pour des personnes en chaise roulante avec assistance | Français, Anglais → FR, NL, EN | ⧖ 1h40 | €18 / €15

En 1947, aux États-Unis, s’est tenu le procès du dramaturge allemand Bertolt Brecht, devant la « Commission des activités anti-américaines de la Chambre des représentants » chargée de lutter contre le militantisme communiste. La liste de questions absurdes auxquelles Brecht a dû répondre lors du procès est le point de départ de ce nouveau spectacle poignant de Lina Majdalanie et Rabih Mroué.

L’exil, les procès pour subversion, le havre humaniste d’un ailleurs introuvable, la découverte d’un pays censément démocratique où s’applique une interdiction catégorique de certains propos : tels sont les thèmes qui parcourent Four Walls and a Roof (« Quatre murs et un toit »). Le duo examine les infortunes de l’idéaliste Brecht à la lumière de la répression croissante de la liberté d’expression, au regard de leur propre émigration volontaire de Beyrouth à Berlin il y a dix ans et de l’ascension de la droite partout dans le monde.

Tout en conservant son approche ludique du théâtre et soutenu par la présence d’un pianiste qui interprète des chansons de Brecht et Eisler, le duo allie l'évocation historique à des réflexions politiques sur le présent et nous amène à nous interroger, à juste titre, sur le degré de liberté et d’ouverture de notre démocratie libérale.

"Leur humour, leur présence sensible, qui ne cherche pas à gommer une forme de fragilité, leur sens du montage aussi bien visuel que textuel composent des mosaïques qui offrent toujours au spectateur matière à jeu et à réflexion." – Fabienne Darge, 2024, Le Monde

"Comme deux funambules, ils nous font mieux sentir, par leur fragilité et leur lucidité, de quelle histoire nous sommes les contemporains. Ainsi pourrait-on résumer l’urgence de leur ambition théâtrale." – Marie-José Sirach, 2024, l'Humanité

read more

Selon Marx: «L’histoire se répète deux fois, d’abord comme une tragédie, puis comme une farce. » Mais si l’histoire venait à se répéter une troisième, quatrième, énième fois,  que deviendrait-elle, alors ? La répétition n’est probable- ment qu’une fausse et superficielle impression. Faut-il la  balayer du revers de la main pour autant ? Walter Benjamin met le doigt sur le cœur du problème : pour lui, ce n’est  «qu’une seule et unique catastrophe, qui ne cesse d’amon- celer ruines sur ruines». En tout cas, l’histoire nous éclaire.

Comme elle peut nous aveugler aussi.

Brecht avait fui l’Allemagne nazie en 1933. Après un long périple de 8 ans dans différents pays Européens, il arriva finalement aux États-Unis en Juillet 1941. Il était aux États-Unis depuis déjà plus de 5 ans, en 1947, quand il fut  convoqué à un procès mené par la Commission des ac- tivités anti-américaines (HUAC) chargée de lutter contre  l’activisme communiste, en raison de son engagement politique.

Des années après avoir lu la transcription du procès de Bertolt Brecht au États-Unis et la déclaration qu’il avait préparée pour le Comité mais qu’il lui fut interdit de lire, voilà que ces deux textes ressurgissent tout d’un coup  dans notre mémoire et nous hantent. Comment se débar- rasser de cette hantise sinon en les travaillant ?

Nous découvrons aussi un troisième texte de Brecht, écrit en 1950 à la suite de la condamnation aux États-Unis  de ses collègues, avec qui il avait partagé le banc des accu- sés. Brecht y dénonce ce qu’il appelle une Cold Execution  (en référence à Cold War). L’accusé·e dans ce cas, n’est pas mis·e en prison et n’est pas privé·e de sa vie, mais subit une peine bien plus dure et réalisée par «l’industrie» artistique et culturelle elle-même : blacklisted, le·la « délinquant·e » est privé·e des moyens de vivre et se retrouve au chômage. 

Toute proportion gardée, bien sûr, et toute différence contextuelle, politique, sociale et historique, aussi, n’est-ce  pas ce que nous observons aujourd’hui: un muselage coor- donné et exponentiel de la liberté d’expression? Annulation  d’invitations, de récompenses, de conférences, de pièces de théâtre, d’expositions, ... Accusations et condamnations  publiques de tel·le écrivain·e ou de tel·le artiste ou ... Licen- ciements de journalistes, d’académicien·nes, ... Assujettis- sement du financement public à l’obédience politique... Et  la liste reste longue.

Jusqu’à ces jours, nombre de personnes des diffé- rentes parties du globe terrestre, continuent à fuir leurs  pays d’origines – à cause de et dans des circonstances aussi effroyables que celles que Brecht a connues et dont  le monde entier est plus ou moins responsable, pour es- sayer de trouver refuge dans des pays plus démocratiques  et offrant un espace plus large et plus stable de liberté d’expression. Ou du moins, ainsi le croyaient-elles. Mais la réalité les a rattrapé·es. Elle rattrape le monde entier. Comme elle avait rattrapé Brecht aux États-Unis. 

Quant à nous, Rabih et Lina, nous n’avons pas fui le Liban; nous avons librement choisi de le quitter pour tenter la vie et le travail dans un milieu plus démocratique et un espace plus large et plus stable de liberté d’expression. Ou du moins, ainsi le croyions-nous. Ce que Brecht dénonce dans la seconde partie de sa déclaration concernant les  États-Unis, ainsi que le contenu du procès lui-même, cor- respondent tellement à ces cauchemars éveillés ou à moi- tié somnolents qui nous tourmentent, nous harcèlent et  nous rendent fous depuis quelques temps: des discussions passionnées et désespérées –mais surtout inutiles– avec des personnes inconnues et hostiles, des visages fermés  qui nous regardent de haut –quand ils daignent nous re- garder– sans nous voir pour autant et certainement sans  nous entendre.  

Four Walls and a Roof se base sur ces deux textes de Brecht, son procès, parfois sur notre propre vécu, ainsi que sur d’autres documents. 

Lina Majdalanie, mars 2025

→ see also: Open-air cinema

Présentation : Kunstenfestivaldesarts, Beursschouwburg
Écrit et mis en scène par : Lina Majdalanie, Rabih Mroué | Joué par : Henrik Kairies, Lina Majdalanie, Rabih Mroué | Dramaturgie : Sandra Noeth | Les chanson ont été composées par Hanns Eisler et écrites par Bertolt Brecht | Musique additionnelle composée par Henrik Kairies | Directeur technique : Thomas Köppel | Photos : Elisabeth Hauptmann - Akademie der Künste, Berlin, Bertolt-Brecht-Archiv, Fotoarchiv 1/86 
Production : Festival d’Automne à Paris, CENTQUATRE-PARIS | Coproduction : Kunstenfestivaldesarts, Berliner Festspiele dans le cadre de ‘Performing Exiles’, HAU Hebbel am Ufer, Künstler*innenhaus Mousonturm, Residenz Schauspiel Leipzig, Kampnagel Internationale Kulturfabrik, Forum Freies Theater
Soutenu dans le cadre de Bündnis internationaler Produktionshäuser | Merci à : Brecht Archives (Julia Hartung, Yvonne Büdenhölzer), CENTQUATRE-PARIS, Künstler*innenhaus Mousonturm, Joana Hadjithomas, Khalil Joreige, Urs Koerner, Nikolaus Müller-Scholl, Ludmila Pogodina, Walid Raad, Ivan Txaparro, Anna Wagner, Maximilian Zahn, Andrei Zavalei  
Performances à Bruxelles avec le soutien de l’Ambassade de France en Belgique et de l’Institut français à Paris dans le cadre de IF Incontournable

website by lvh