30.05 — 02.06.2023
Ça marche Barcelone
Los Figurantes
théâtre
| FR, NL, EN | ⧖ ±1h | €18 / €15 | Ne convient pas aux enfants, peut contenir des sujets sensibles ou violents
Des enfants jouent. Iels semblent ignorer que nous les regardons, ce qui nous rend d’autant plus conscient·es que nous les observons. Avec Los Figurantes, la jeune compagnie de théâtre espagnole Ça marche – présentée pour la première fois en dehors de l’Espagne – interroge d'une manière puissante le regard que nous portons sur les enfants. Des extraits et des citations projetés de l’Erlkönig de Goethe, accompagnés de la musique de Schubert, nous transportent dans un conte fantastique ; un récit qui nous rappelle que les enfants n’ont pas toujours été perçu·es comme des êtres innocent·es, comme en attestent les contes de fées du XIXe siècle et les histoires pour les endormir, emplies de violence. Sur scène, les enfants ne sont que des figurant·es : les spectateur·ices sont les véritables protagonistes qui, dans l’obscurité, tentent de déchiffrer des signaux et des indices, et s’inventent des présages. Dans ce spectacle qui questionne le théâtre en tant que lieu d'observation, nous sommes confronté·es au fait que tout regard posé comporte une part de responsabilité. Los Figurantes est une expérience visuelle extrêmement fascinante et parfois inconfortable qui, avec une structure acérée, expose et interroge la dynamique du regard entre adultes et enfants.
Le Roi des Aulnes
Qui chevauche si tard dans la nuit et le vent ?
C’est le père avec son enfant.
Il serre le jeune garçon dans ses bras,
Il le tient au chaud, il le protège.
— Mon fils pourquoi caches-tu peureusement ton visage ?
— Père, ne vois-tu pas le Roi des Aulnes ?
Le Roi des Aulnes avec sa couronne et sa traîne ?
— Mon fils, c’est une traînée de brume.
— Cher enfant, viens, partons ensemble !
Je jouerai tant de jolis jeux avec toi !
Tant de fleurs émaillent le rivage !
Ma mère a de beaux vêtements d’or.
— Mon père, mon père, mais n’entends-tu pas,
Ce que le Roi des Aulnes me promet tout bas ?
— Du calme, rassure-toi, mon enfant,
C’est le bruit du vent dans les feuilles sèches.
— Veux, fin jeune garçon, -tu venir avec moi ?
Mes filles s’occuperont de toi gentiment.
Ce sont elles qui mènent la ronde nocturne,
Elles te berceront par leurs danses et leurs chants.
— Mon père, mon père, ne vois-tu pas là-bas,
Danser dans l’ombre les filles du Roi des Aulnes ?
— Mon fils, mon fils, je vois bien en effet,
Ces ombres grises ce sont de vieux saules.
— Je t’aime, ton beau corps me tente,
Si tu n’es pas consentant, je te fais violence !
— Père, père, voilà qu’il me prend !
Le Roi des Aulnes m’a fait mal !
Le père frissonne, il presse son cheval,
Il serre sur sa poitrine l’enfant qui gémit.
À grand-peine, il arrive à la ferme.
Dans ses bras l’enfant était mort.
- Johann Wolfgang von Goethe, 1782
Los figurantes
En compagnie des ogres
Los figurantes est une machine à observer. À observer les enfants. À s’observer soi-même en train d’observer les enfants. Los figurantes est une machine à démonter le statut tutélaire du·de la nouveau·elle spectateur·ice : celui·celle qui protège l’enfance et corrige le théâtre ; ou celui·celle qui protège l’enfance au théâtre ; ou celui·celle qui infantilise le théâtre pour protéger l’enfance du théâtre ; celui·celle qui, en fin de compte, se protège des deux – de l’enfance et du théâtre – à cause de l’illusion qu’ils constituent tous les deux. Elle reproduit les filtres d’un regard adulte qui, invariablement biaisé par la culpabilité et le désir, aborde l’enfance comme le spectacle le plus chargé de projections, le plus délirant et finalement, le plus énigmatique – peut-être même le plus sombre. Dans cette fiction emplie d’amour dans laquelle tout un public adulte aspire à se reconnaître, les enfants ne sont que des figurant·es : ce sont les ogre·sses et les croque-mitaines qui, au contraire, festoyant et observant depuis l’obscurité, interprètent les signes, décodent les indices et fabriquent les présages ; iels sont les véritables protagonistes, les interprètes avéré·es, les vrai·es profanateur·ices ; ce sont elleux qui expurgent la tautologie de l’enfance. Les nouveaux·elles ogre·sses se nichent dans le regard multiple d’un monde adulte aimant, attentif et scrupuleux qui, comme Saint Christophe, cherche à sauver l’enfance pour que l’enfance en retour le sauve de son cynisme ; qui la soigne, la porte et finalement l’accable : qui la porte passionnément vers le désastre ; qui, pour la sacraliser, la sacrifie.
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Roberto Fratini Serafide
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Avril 2023
- Roberto Fratini Serafide est dramaturge.
Présentation : Kunstenfestivaldesarts, Les Brigittines
Mise en scène : Nico Jongen | Dramaturgie : Roberto Fratini | Performeur·ses : intervenant·es bruxellois·ses accompagnié·es par Mariona Signes | Scénographie et lumières : Marc Salicrú | Musique et création sonore : Aurora Bauzà | Costumes : Mariona Signes | Entraîneur mouvements : Joaquín Collado
Production : Laura Viñals | Merci à : Víctor Molina | Coproduction : Teatre Lliure, Festival TNT, Conde Duque, Nau Ivanow, Ça marche
Avec le soutien de : TenerifeLAV, Terrassa Crea, Estruch Fàbrica de Creació, Festival Escena Poblenou, Centre Cívic Can Felipa-Felipa (Lab), Centre Cívic Barceloneta, Graner Centre for Creation of Dance and Performing Arts, Generalitat de Catalunya
Performances à Bruxelles avec le soutien de l’Ambassade d’Espagne en Belgique et la collaboration de l’Institut Cervantes à Bruxelles