25 — 28.05.2022
Un tapis de tissus bigarrés est lentement déroulé sur scène, ouvrant un kaléidoscope de couleurs. C’est ainsi que commence Encantado, la nouvelle création très attendue de Lia Rodrigues. Au Brésil, le mot « encantado » a plusieurs significations : il peut être synonyme d’étonnement, d’émerveillement ou qualifier les effets d’une formule magique mais il a aussi un sens spécifique dans la culture afro-brésilienne. Ici, il est utilisé pour désigner des entités animées, les encantados, qui naviguent entre terre et ciel, dunes et rochers, transformant ces derniers en lieux sacrés. Ce sont ces forces mystérieuses, intimement liées à la nature et menacées dans le monde contemporain, qui ont inspiré le spectacle de Lia Rodrigues. La production porte les marques du contexte dans lequel elle a été créée : tandis que la Covid-19 touchait violemment le Brésil, la chorégraphe s’est demandée comment « enchanter nos peurs » afin de recréer une dynamique collective et rapprocher les individus. Encantado est une chorégraphie envoûtante pour onze danseur·ses et d’innombrables tissus, dans laquelle ces forces – comme les encantados – voyagent d’un corps à l’autre. Après la puissance de Fúria en 2019 et la correspondance poignante qui a donné naissance à Outrar en 2021, Lia Rodrigues revient au Kunstenfestivaldesarts sur la magnifique nouvelle scène du CC De Factorij.
"Cette libre et folle exploration, entre camouflage et travestissement, souffle un grand vent d'enfance et de joie" Le Monde
"L’hymne à la joie de Lia Rodrigues. La chorégraphe brésilienne lui donne une urgence, une liberté, et une saveur éblouissantes et salutaires". Le Figaro
Comment enchanter nos peurs et nous mettre dans le collectif ?
Le mot « encantado », du latin incantatus, désigne quelque chose qui est ou a fait l’objet d’un enchantement ou d’un sortilège magique. « Encantado » est aussi synonyme d’émerveillement, d’éblouissement ou de fascination.
Au Brésil, le mot « encantado » a d’autres significations. Le terme fait référence à des entités qui appartiennent aux manières afro-américaines de percevoir le monde. Les « encantados », animés par des forces inconnues, se déplacent entre ciel et terre, dans les jungles, sur les rochers, dans les eaux douces et salées, dans les dunes, dans les plantes, les transformant en lieux sacrés.
Ce sont des êtres qui traversent le temps et se transmutent en différentes expressions de la nature. Ils n’ont pas connu la mort, mais sont passés à un autre niveau, acquérant des pouvoirs magiques de protection et de guérison.
Les actions prédatrices qui menacent la vie sur Terre, la destruction systématique des forêts, des rivières et de la mer ont également un impact sur l’existence des « encantados ». Il n’y a aucun moyen de séparer l’encantado de la nature ou la nature de ces êtres.
Encantado est le titre de la nouvelle création de ma compagnie qui a débuté dans le contexte de la crise sanitaire provoquée par la Covid-19. Le choix de ce titre est né du désir d’utiliser la magie et l’incantation pour guider notre processus créatif qui se déroule dans ce moment dramatique que nous traversons au Brésil.
Comment enchanter nos peurs et nous mettre dans le collectif, proches les un·es des autres ? Comment enchanter nos idées et nos corps en les transformant en images, danses et paysages ?
Pour faire une nouvelle création, il faut entrer dans l’enchantement et s’engager dans diverses compositions pour aller à la rencontre de toutes sortes d’êtres vivants.
Créer des agglomérations et des assemblages de bactéries, de noix de cajou, de fleurs, de protozoaires, de rivières, d’animaux immergés dans l’eau douce, d’algues, de mille-pattes, de grenouilles, de serpents, de marsouins, d’abeilles, de sauterelles, de champignons, de lacs, des espaces sous-marins, des cieux, du soleil, du vent, des arbres forestiers et des plantes cultivées dans le jardin, des virus, des nuits, la lune, les étoiles, la terre, l’air et l’eau, des mouvements qui, comme des entités, voyagent de corps en corps.
Et des gens… des gens qui s’enchantent et se désenchantent dans une danse sans fin.
- Lia Rodrigues, décembre 2021
- Texte publié à l’occasion du Festival d’Automne à Paris
Présentation : Kunstenfestivaldesarts, Cultuurcentrum De Factorij
Création : Lia Rodrigues | Dansé et créé en étroite collaboration avec : Leonardo Nunes, Carolina Repetto, Valentina Fittipaldi, Andrey da Silva, Larissa Lima, Ricardo Xavier, Dandara Patroclo, David Abreu, Felipe Vieira Vian, Tiago Oliveira, Raquel Alexandre | Dramaturgie : Silvia Soter | Création lumières : Nicolas Boudier | Son : Alexandre Seabra | Régisseuses : Magali Foubert, Baptistine Méral | Assistante à la chorégraphie : Amalia Lima | Collaboration artistique et images : Sammi Landweer | Musique : extraits de chansons de scène du PEUPLE GUARANI MBYA / Village de Kalipety do T.I. territoire indigène / Tenondé Porã, chanté et joué pendant la manifestation des indigènes à Brasilia en août 2021 contre la « thèse temporelle », une mesure inconstitutionnelle qui menace le présent et l'avenir de toutes les générations de peuples autochtones | Mixage : Alexandre Seabra | Diffusion internationale : Colette de Turville | Chargée de production : Astrid Toledo | Administration : Jacques Segueilla | Production (Brésil) : Gabi Gonçalves / Corpo Rastreado | Production (Goethe-Institut) : Claudia Oliveira | Secrétaire : Gloria Laureano | Professeurs : Amalia Lima, Sylvia Barretto, Valentina Fittipaldi
Coproduction: Kunstenfestivaldesarts, Chaillot – Théâtre National de la Danse, Le CENTQUATRE, Festival d’Automne à Paris, Scène Nationale Carré-Colonnes, Bordeaux Métropole, Le TAP – Théâtre Auditorium de Poitiers, Scène Nationale du Sud-Aquitain, La Coursive – Scène Nationale La Rochelle, L’Empreinte, Scène Nationale Brive, Théâtre d’Angoulême Scène Nationale, Le Moulin du Roc – Scène Nationale à Niort, La Scène Nationale d’Aubusson – OARA Office Artistique de la Région Nouvelle-Aquitaine, Theaterfestival, HAU Hebbel am Ufer, Festival Oriente Occidente, Theater Freiburg, Julidans, Teatro Municipal do Porto, Festival DDD, Lia Rodrigues Companhia de Danças, Association Lia Rodrigues – France
Avec le soutien de : Redes da Maré e Centro de Artes da Maré, FONDOC, Fonds international de secours pour les organisations de la culture et de l’éducation 2021 du ministère fédéral allemand des Affaires étrangères, Goethe-Institut et d'autres partenaires
Merci à : Thérèse Barbanel, Antoine Manologlou, Maguy Marin, Eliana Souza Silva, équipe du Centro de Artes da Maré
Encantado est dédié à Olivier