15 — 20.05
Anacarsis Ramos, / Pornotráfico Mexico
Mi madre y el dinero
théâtre
| Espagnol → FR, NL, EN | ⧖ 1h20 | €16 / €13
Entre 1960 et 2020, la mère d’Anacarsis Ramos, Josefina Orlaineta, a occupé plus de quarante emplois différents à Campeche, dans le sud du Mexique. Son fils, lui, s’est rendu à Mexico pour apprendre le théâtre et pouvoir assumer pleinement son homosexualité. Dans Mi madre y el dinero, mère et fils retracent le rapport de Josefina à l’argent, dans un mélange de réflexion économique et de fiction théâtrale. Ses nombreux emplois sont passés en revue, révélant comment sa technique de vente s’avère être un talent d’actrice inconscient. Sur scène, iels farcissent des saucisses comme iels emplissent la salle de souvenirs.
Parallèlement, la performance interroge le théâtre en tant que tel : Ramos se moque de l’attrait des Européen·nes pour le théâtre documentaire et l’importance qu’iels accordent au fait que la mère incarne son propre rôle sur scène. Josefina et Anacarsis tirent un parallèle entre la vie précaire dans le monde du théâtre et celle qu’a menée Josefina. L’assimilation de la connaissance à une certaine classe sociale s’inverse lorsque Josefina se propose de créer des tutoriels pour aider les jeunes artistes à gérer leurs problèmes financiers. Mi madre y el dinero restitue des moments de leurs vies avec une simplicité étonnante, menant à penser la honte de classe et l’intrusion du travail dans la sphère privée, mais aussi la difficulté à raconter la vie d’autrui.
Extraits du blog
3 mai 2023
Trop de morosité. Faillir à nouveau dans la soixantaine. Perdre à nouveau. Comprendre qu’on ne sera jamais serein. Qu’on vieillira mal. Et qu’on n’a jamais su gagner de l’argent. Malgré tous les efforts. On finit toujours plus idiot que l’argent. Et il y en a toujours d’autres qui sont plus malins. Aujourd’hui, je me suis à nouveau confronté au chagrin de ma mère.
Quelque part en mai 2023
J’ai repris le travail avec ma mère, après une interruption de huit ans. Ce qui a commencé comme une chose triste (je suis revenu à Campeche parce que je ne gagnais pas assez dans le théâtre pour en vivre), s’est transformé en quelque chose de beau et d’intime. Dans l’après-midi, je l’aide à ficeler les saucissons, et pendant que nous travaillons, elle me raconte les emplois qu’elle a eus. Plus de quarante! Pourquoi
ai-je oublié tout ça ?
28 mai 2023
Les moments où nous travaillons ensemble sont les rares instants où nous ne nous disputons pas.
3 juillet 2023
J’ai le sentiment que la littérature parle des objets en tournant autour d’eux, pour ensuite ne plus tourner qu’autour d’elle-même. Je ne peux pas me concentrer sur ce processus depuis cet endroit-ci.
Quelque part en mars 2024
D’aussi loin que je me souvienne, les bonnes choses qui sont arrivées à ma famille étaient le résultat d’un miracle: une intervention extérieure qui nous sauvait après de gros tourments, une vente providentielle cinq minutes avant de fermer boutique, l’héritage d’une grand-mère espagnole et toutes ses petites faveurs. J’ai même le sentiment que ma vie est un peu ainsi. Que je dépends trop de la générosité des autres. De l’appel qui me fournit un emploi ou de la lettre qui m’informe que mon œuvre va être programmée. Je ne prie pas comme ma mère, mais au fond de moi, je passe mon temps à supplier que mes désirs se réalisent.
24 avril 2024
Les étagères de la boutique sont en quelque sorte un condensé de divers récits économiques. D’une part, elles portent les traces des parcours économiques personnels : prospérité –pénurie. D’autre part, elles reflètent les besoins et les tendances des client·es, une image du monde. Et elles donnent l’impression de transparence que l’on attend du commerce. Que vendons-nous dans cette pièce ?
13 mai 2024
Pendant les répétitions, tu m’as demandé si à un moment donné, tu pourrais dire dans la pièce que tu avais eu une vie de merde.
1er juin 2024
À Campeche, il n’y a que deux saisons : la saison sèche et la saison des pluies. Il faudrait une scène qui parlerait des ouragans. Quelque chose qui les relierait à la crise. Leur fréquence. L’attente qu’ils suscitent. Je me souviens de l’inondation du magasin de chaussures. Un mètre d’eau. Une piscine pleine de chaussures.
12 juin 2024
Je suis fatigué. Je veux faire ce projet depuis si longtemps. Et là, alors que nous commençons les répétitions, j’ai le cœur vidé et aucune envie de quitter le lit. Mais, on nous a déjà payé une avance, et il va falloir livrer le produit. Il faut le faire. Mais je continue de ne pas comprendre le sens de tout le travail et de toute la souffrance de mes parents. Que puis-je en dire ? J’écris ces bribes, ces notes comme si je farcissais des saucisses. Et finalement, c’est peut-être ainsi que je les présenterai, un long morceau de viande et de récit, coupé en morceaux.
24 juin 2024
Aujourd’hui, nous avons eu des comportements violents l’un·e envers l’autre, et j’ai demandé à ma mère d’arrêter le processus de création. À partir de maintenant, nous ne répéterons plus que les scènes que nous avions déjà, et n’essayerons plus d’en écrire de nouvelles avant d’avoir plus d’argent. Nos mondes qui avaient, le temps de la pièce, pu se réconcilier et faire abstraction de leurs différences, ont réaffiché leurs oppositions ; ils s’éloignent et s’affrontent. Au bout du compte, il s’agit toujours d’argent, non ? Je me sens terriblement mal de ne pas pouvoir offrir autre chose que ce que nous avons toujours connu, mais- en même temps, je comprends le rôle qu’a toujours joué l’argent dans notre violence.
4 juillet 2024
Premières répétitions au théâtre. Un grand et magnifique théâtre. Et j’ai été tellement heureux de voir ma mère au beau milieu de tout ça. Une part de ma confiance en ce projet renaît.
15 juillet 2024
C’est une diva. Et comme toutes les divas, elle déteste les répétitions mais adore les rôles.
5 octobre 2024
Aujourd’hui, alors que nous discutions, je lui ai demandé ce que, pour elle, était une utopie. Chaque idée que je propo- sais à ce sujet lui paraissait idiote, par exemple, un avenir dans lequel il ne faudrait pas travailler. Je lui ai dit qu’elle pouvait imaginer tout ce qu’elle voulait. Et ça l’a mise en colère. Plus tard, Babis m’a dit que sa réponse était qu’on ne pouvait pas imaginer une utopie. Et je refusais d’écouter.
20 octobre 2024
J’ai dit à ma mère que nous devrions créer une autre pièce sur mon père. Parce que le sujet est trop vaste pour l’intégrer dans celle-ci. Elle m’a répondu que nous devions d’abord voir comment se passait celle-ci, et que nous verrions après. Elle a raison.
21 octobre 2024
Je sais qu’une part de sa dépression est restée en moi, et je m’en rends compte les dimanches pluvieux, je sais que je ne suis pas non plus insatisfait de ma vie. La seule chose qui semble nous sauver, c’est de travailler. Nous ne savons rien faire d’autre. Et appeler les gens pour travailler avec nous est devenu la seule manière que nous ayons de les garder proches de nous.
25 octobre 2024
Je suis reconnaissant à Santi de nous aider à distinguer les moments où il faut que nous soyons une mère et son fils de ceux où nous devons nous comporter comme un metteur en scène et sa comédienne. Je crois que nous communiquons mieux à présent, grâce au théâtre.
4 novembre 2024
Elle m’a raconté la fois où iels sont partis vendre des poules en mousse à Tenerife. Mon père avait honte que sa famille puisse les reconnaître alors qu’iels vendaient en rue, donc elle a eu l’idée, comme le carnaval approchait, de se déguiser en clowns. Iels n’ont rien vendu ce soir-là et il s’est avéré, quand le jour férié est arrivé, que la grande fête se tenait ailleurs. Je ne sais pas s’il faut intégrer ça dans la pièce, nous le montrons et ça reste douloureux. Il faut trouver un autre moyen, peut-être. Mais quelque chose dans cette histoire m’interpelle. Comme si, à les imaginer vendre au cœur de cette fête, déguisé·es en clowns pour masquer la honte, je pouvais saisir ce qu’est mon héritage.
- Anacarsis Ramos, avril 2025
- Traduit par Diane Van Hauwaert
15.05
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- + aftertalk modéré par Cecilia Kuska (Espagnol → EN)
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Présentation : Kunstenfestivaldesarts, Kaaitheater
Création : Anacarsis Ramos / Pornotráfico | Basé sur la vie de Josefina Orlaineta | Mise en scène, textes et scénographie : Anacarsis Ramos | Avec : Josefina Orlaineta, Anacarsis Ramos | Dramaturge, assistant mise en scène et prompteur : Santiago Villalpando | Recherches : Babis Zozaya | Vidéo, création lumières et sonore : Karla Sánchez “Kiwi” | Producteur, construction décors et accessoires : Fausto Castaño | Peintures : Josefina Orlaineta | Prompteuse et coach jeu à Campeche : Sofía León | Assistante de production à CDMX : Valentina Girón | Assistant enregistrement “Vlogger” : Emiliano Sandoval
Production : Festival Internacional del Centro Histórico de Campeche, Instituto de Cultura del Estado de Campeche | Coproduction : FULGOR - Encuentro escénico con los Estados 2024 programmé par Mariana Arteaga et Mariana Gándara



