18 — 21.05.2025

Miet Warlop Bruxelles-Gand

INHALE DELIRIUM EXHALE

performance — premiere

Les Halles de Schaerbeek

Venue avec une chaise roulante à confirmer lors de la réservation en ligne ou via la billetterieAccessible aux personnes en chaise roulante | ⧖ 1h | €25 / €20

Une vague se dresse et se brise dans l’espace vide. INHALE DELIRIUM EXHALE, le nouveau tour de force de l’artiste multi-talentueuse Miet Warlop, en première mondiale au festival, débute avec une puissance fracassante. D’une idée simple jaillit le hors du commun. Au rythme des marées, les idées visuelles s’amoncellent jusqu’à former une montagne.

Warlop nous propose une traduction de l’agitation interne que suscite en elle le processus de création : une vague gonfle dans son esprit et ne se brise qu’une fois en contact avec le monde extérieur. Elle met en scène un groupe de performeur·euses et 6500 mètres de tissu de soie qui, sur une musique de DEEWEE, apparaissent et disparaissent, et deviennent des échos qui animent l’espace d’une nouvelle vie. Corps et étoffes créent une explosion d’images – non dénuée d’humour – avec des clins d’yeux inattendus à la mythologie grecque.

Celles et ceux qui ont assisté à One Song et à d’autres de ses créations le savent : pour Warlop, l’art est une expérience à vivre, en référence aux concerts rituels et aux objets chorégraphiques. Il en va de même pour ce projet, le plus ambitieux à ce jour : de l’inattendu et une immersion dans un univers visuel insaisissable et infiniment fascinant.

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INHALE DELIRIUM EXHALE jongle avec six mètres de deux tissus différents : la soie et le cachemire. Pour la création de ses œuvres, Miet Warlop se laisse guider par l’intuition, l’association et l’interaction. Le délire qu’elle nous propose aujourd’hui invoque deux univers : la tête et la peau. Deux  mondes qu’elle cherche à mettre à la terre par la manipula- tion intense des étoffes sur la scène.  

La soie constitue la tête. 

Le cachemire, la peau.

La soie  

La tête, ou le crâne, sont comme une grotte remplie de voiles. Une grotte qui abrite les métrages invisibles de nos pensées, ainsi que les différentes voies que nous empruntons sur le chemin de la vie. Sous cet angle, une définition trouvée sur Wikipédia revêtirait presque une puissance poétique :  «la soie est une matière naturelle secrétée par certains in- sectes, qui se solidifie au contact de l’air ». Outre les vers  à soie, certaines araignées aussi sont élevées pour la séri- ciculture. Le crâne constitue une protection de la matière  grise et blanche, et ce n’est pas tout à fait par hasard que la membrane située entre la dure-mère et la pie-mère s’appelle l’arachnoïde. Le crâne est l’enveloppe la plus dure de notre grotte mentale, abritant des membranes allant du dur au mou, qui sont entretissées et communiquent entre elles.  

L’espace mental, la grotte proposée par INHALE DELI- RIUM EXHALE n’affirme aucune vérité. Les situations expo- sées par cette performance collective suscitent avant tout  des questions. Les images brutales de mort et de destruction s’accumulent. Notre époque est celle d’une surabondance d’information qui s’accumule comme du linge sale jusqu’à ce que plus aucune pensée ne soit possible. Désir d’hygiène mentale, de reprise du contrôle et d’un retour à la raison; les tissus sont ramassés et rassemblés, suspendus à des crochets, à des racks, pour être ensuite à nouveau projetés dans le chaos de la vie.  

Cachemire

Le cachemire représente la peau. Il est fabriqué à partir de la toison soyeuse des chèvres cachemire. Miet Warlop évoque ce qui, au contraire de l’épidermique, vient aujourd’hui se  4  nicher sous la peau. Comment se souvenir du nombre in- calculable de personnes que nous n’avons jamais connues,  jamais rencontrées, et que nous n’avons pas pu aider lors- qu’elles chutaient ? Notre peau nous protège, mais ce qui  la traverse et qui devient viscéral relève de l’impuissance. L’inéluctabilité de la mort se cache dans le cachemire noir, le mystère de la naissance et de la rencontre avec le monde se cache dans le blanc et les couleurs ocres. Le blanc, le noir, le ciel et l’enfer, la vie et la mort, la matrice et la tombe. Ce qui vient se nicher sous la peau est ce que nous portons en nous, invisible mais présent, aveugle et se frayant un chemin vers le monde de nos émotions, de notre cœur.

Mis·es à la terre  

La manipulation frénétique des tissus provoque de l’électri- cité statique. La charge électrique des étoffes constitue un  circuit fermé parce qu’elles sont enroulées sur des tubes  en caoutchouc, avant d’entrer en contact avec un·e perfor- meur·euse. Iel devient alors le conducteur·ice de la charge  vers la terre, créant une connexion pour l’électricité, l’éner- gie libérée par le frottement et la manipulation des tissus.  L’expression «ambiance survoltée» est ici à prendre au pied de lettre. Il faut, dans une manipulation aussi énergique de tissus, prévoir une mise à la terre. À intervalles réguliers, les tissus sont rassemblés, tempérés et calmés. La performance ne fait aucune distinction entre l’équipe sur scène et l’équipe technique. Les tissus utilisés ont été cousus derrière la scène. L’énergie de tous·tes est entremêlée dans la manipulation des tissus. La performance met tout le monde à la terre. 

Les ondes sonores créées par les frères Stephen et David Dewaele sont orientées sur le public et participent à la création d’un arc avec les performeur·euses. Nous ressentons les bruits, iels les vivent. La mise à la terre revêt beaucoup d’importance dans les performances de Miet Warlop. Le délire ne peut être vécu que si l’énergie a été mise à la terre. La performance suscite l’envie de faire partie du tissu dont elle est constituée, elle éveille un désir tactile de soie et de cachemire.

En assistant aux répétitions de la performance, j’ai laissé libre cours à mon intuition, laissant mes questions façonner les échanges avec Miet. Au cours de ceux-ci m’est venue une analogie qui ne m’a plus lâché depuis. La soie et le cachemire tombent du ciel, sont déroulés, et envoyés dans les airs au moyen d’un canon à air comprimé. Les plis qui se forment, la matérialité pure du tissu renvoie Miet Warlop et ses équipes sur et derrière la scène à une tradition picturale utilisant les tissus et leurs plis. Les fines couches de peinture qu’appliquait Van Eyck pour restituer  avec précision les étoffes dont étaient drapés ses person- nages a mené Rubens, quelques siècles plus tard, à utiliser  les tissus comme arrière-plan, illustrant par des codes de couleur la tragédie de l’existence. Dans les tableaux, les plis attirent le regard et suscitent un désir tactile. INHALE  DELIRIUM EXHALE anime littéralement les tissus, leur per- mettant ainsi d’évoquer l’aveuglement et la sérénité, le  drame et la menace. Ils constituent la chute biblique, le péché originel ; ils sont enroulés comme dans une usine textile pour être ensuite redéployés généreusement en un océan de soie et de cachemire.

Ce qu’ils voilent et dévoilent est notre aveuglement col- lectif et notre apathie, notre résistance et notre distance ;  tout ce qui, en d’autres termes, vient se nicher sous notre épiderme et risque d’ainsi de disparaître dans les plis. La tête et la peau relient le public à ce délire, à ce chemin de traverse de l’existence fait d’inaccessibles rouleaux de soie  et de cachemire, à l’inspiration et l’expiration des perfor- meur·euses qui les touchent pour nous tous·tes, en jouent  et y disparaissent pendant que, le cœur secoué par les beats, l’envie tactile nous démange de nous joindre à cette mise à la terre collective. 

Jeroen Olyslaegers, mai 2025. 

Traduit par Diane Van Hauwaert. 

Jeroen Olyslaegers écrit des romans et des pièces de théâtre.

Présentation : Kunstenfestivaldesarts, Kaaitheater, Les Halles de Schaerbeek
Concept et mise en scène : Miet Warlop | Musique : en collaboration avec DEEWEE | Performeur·euses : Milan Schudel, Emiel Vandenberghe, Margarida Ramalhete, Lara Chedraoui, Mattis Clement, Elias Demuynck | Scénographie : Miet Warlop en collaboration avec Mattis Clement | Costumes : Miet Warlop en collaboration avec Elias Demuynck supervisé·es par Tom Van Der Borght | Stagiaires : Nel Gevaerts (KITOS) et Nana Bonsu, Sofia Ristori (Ursulinen Mechelen) | Création lumières : Henri Emmanuel Doublier | Lumières : Pieter Kinoli | Son : Ditten Lerooij | Assistant mise en scène : Marius Lefevre | Chargée de production : Sylvie Svanberg | Direction technique : Marjolein Demey | Regard externe : Danai Anesiadou, Giocomo Bisordi | Direction générale : Saskia Liénard | Distribution : Frans Brood Productions | Merci à : Michelle Vosters, Jeroen Olyslaegers, Flup Beys, Micha Volders, Pol Heyvaert, Kenneth De Vos, Geert Viaene/Amotec, Florence Carlisi, LOD muziektheater, Milo Rau, collab Hermes Holding Lyon
Production : Miet Warlop / Irene Wool vzw | Coproduction : Kunstenfestivaldesarts, Kaaitheater, Biennale de la Danse, Tanzquartier Wien, La Villette, Théâtres de la Ville de Luxembourg, NTGent, TANDEM Scène nationale, Kampnagel International Summer Festival, Le Lieu Unique, Romaeuropa Festival, Theaterfestival Boulevard, Teatro Municipal do Porto, Athens Epidaurus Festival, Sharjah Art Foundation, HAU Hebbel am Ufer, Temporada Alta 
Avec le soutien de la Fondation Ammodo, le Gouvernement flamand, la ville de Gand, Perpodium et le Tax Shelter du Gouvernement fédéral belge

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