20 — 23.05

Mang Tri Ray Dewantara Ubud

Dancing with Marya

danse / conférence-performance

Beursschouwburg

Venue avec une chaise roulante à confirmer lors de la réservation en ligne ou via la billetterieAccessible pour des personnes en chaise roulante avec assistance | Bahasa Indonesia → FR, NL, EN | ⧖ ±40min | €14 /  €11 | Nombre de places limité

Kebyar Duduk est une danse balinaise connue pour les positions assises et semi-assises de performeur·euses doté·es d’un éventail. Il y a un siècle, I Ketut Marya (connu en Occident comme I Mario) a élaboré ce style aux expressions improvisées et interprétatives en réponse à l’accélération des rythmes de la musique du gamelan balinais, tout en y mêlant les styles masculins et féminins de la danse balinaise Gandrung. Dans les années 1930, ses performances avaient été documentées par des anthropologues occidentaux·ales, dont les chercheur·euses Walter Spies et Beryl de Zoete dans le livre Dance and Drama in Bali. Si ces documents ont contribué à préserver la forme artistique, ils ont aussi conduit à figer et codifier la chorégraphie, en contraste avec sa fluidité originelle.

Dans Dancing with Marya, le jeune chorégraphe balinais Mang Tri revisite de manière innovante ces archives. La performance débute comme une conférence et se transforme petit à petit en une chorégraphie qui s’aligne sur les images de Marya à l’époque coloniale. Dansant à travers les époques, les regards et les genres, Mang Tri explore à quel point les perspectives occidentales ainsi que le tourisme, qui privilégie l’authenticité statique plutôt que l’évolution, ont façonné le Kebyar Duduk. Cette plongée sensible dans les archives ouvre la possibilité d’enfin danser cette danse cristallisée.

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À propos de Dancing with Marya 

Dancing with Marya explore de manière critique les archives de la Kebyar Duduk, une danse connue pour ses positions assises et semi-assises, dans laquelle le ou la performeur·euse tient souvent un éventail dans la main. Élaborée il y a environ cent ans par I Ketut Marya (connu en Occident sous le nom de I Mario), cette danse a émergé de son approche improvisée en réponse aux innovations de la musique gamelan, en particulier le gamelan kebyar, caractérisé par des rythmes rapides et un brassage d’éléments masculins et féminins venu de la danse traditionnelle balinaise. Cette forme initiale de la danse, fluide et ouverte à l’interprétation, permettait à chaque danseur·euse d’intégrer son propre style à la structure des mouvements.


Dans les années 1930, plusieurs artistes et chercheur·euses occidentaux·ales ont documenté la Kebyar Duduk. Parmi elleux, Walter Spies et Beryl de Zoete avec leur ouvrage influent Dance and Drama in Bali. Walter Spies, un peintre et musicien allemand, s’est installé à Bali en 1927. Il s’est immergé dans la culture locale, s’est intégré à la vie
quotidienne des habitant·es et a développé une fascination pour la richesse de leur culture et de leurs expressions artistiques traditionnelles. Spies connaissait toutes les phases de l’existence balinaise et fut une source d’informations constante et désintéressée pour tous·tes les archéologues, anthropologues, musicien·nes ou autres artistes venu·es à Bali. Il fut le premier à apprécier et à enregistrer la musique balinaise et à collectionner des exemples représentatifs de l’art balinais. En 1932, Spies a contribué à la création du Musée de Bali et a travaillé de concert avec des artistes balinais·es pour fonder le groupe Pita Maha, qui encourageait l’orientation de la peinture traditionnelle balinaise vers davantage d’expressivité et d’idiosyncrasie, tout en restant ancré dans les valeurs et l’esthétique locales. Avec Beryl de Zoete, Spies a joué un rôle significatif dans la promotion de la culture balinaise vers le monde extérieur: ils ont documenté les arts du spectacle vivant balinais à travers des écrits et des enregistrements et ont ainsi attiré l’attention internationale sur la richesse culturelle de Bali durant la période coloniale.


Miguel Covarrubias, un artiste et dessinateur mexicain, a quant à lui visité Bali pour la première fois en 1930. Dans son livre La isla de Bali (« L’île de Bali»), il a documenté le caractère unique de la Kebyar Duduk et celui de son célèbre initiateur et danseur, I Ketut Marya. L’approche de la culture balinaise qu’a adoptée Covarrubias est assez
similaire à celle de Walter Spies : il a interagi de manière directe avec les Balinais·es, a passé du temps avec des artistes locaux·ales et a cherché à capturer la quintessence de l’art balinais à travers l’observation immédiate. Ensuite, il a transposé ses observations en images et en écrits qui ont promu Bali comme une destination culturelle auprès du lectorat occidental. Pendant son séjour à Bali, Covarrubias a bénéficié de beaucoup de soutien de Walter Spies, qui lui a présenté des personnalités culturelles de premier plan et l’a aidé à approfondir sa compréhension des traditions balinaises. Bien qu’issus de milieux culturels différents, Spies et Covarrubias ont tous deux joué un rôle important dans la diffusion de l’art et de la culture de Bali dans le monde, en particulier au cours de la période coloniale, lorsque Bali faisait encore partie des Indes néerlandaises.


«Alors que nous nous familiarisions de plus en plus avec notre nouvelle vie, nous étions déjà las de la pruderie impassible qui dominait la vie dans les hôtels néerlandais. D’une certaine façon, nous nous étions attachés à la famille de notre premier ami balinais, Gusti Alit Oka, un jeune homme intelligent et élégant, de naissance princière, charpentier de profession et musicien par choix. Il a accepté de nous louer l’un des pavillons de sa maison et a entrepris d’améliorer notre malais. Le foyer se composait de la jeune épouse du prince et de leur enfant, de deux tantes veuves et d’un vieux serviteur, un domestique qui avait servi son père, le grand guerrier tué avec son frère, le Radja de Badung, lors de leur baroud d’honneur contre l’armée néerlandaise envahisseuse, vingt-neuf ans auparavant, alors que notre hôte n’était encore qu’un bébé. Nous avons acheté une Chevrolet décrépite et nous nous sommes adonnés aux plaisirs de l’île, allant de festin, danse et crémation en festin, danse et crémation. Ma bonne fortune fut de me lier d’amitié à cette époque avec Walter Spies, le plus célèbre résident de Bali. Lorsque j’ai su parler passablement le malais, j’ai découvert que cela ne suffisait pas. Le malais était la langue commerciale entre les Balinais et les étrangers, parlée principalement par les nouvelles générations urbaines. J’ai donc commencé à apprendre un peu le balinais afin de pouvoir comprendre les personnes les plus intéressantes de l’île, les hommes et les femmes âgé·es.» –traduction libre de Miguel Covarrubias, Island of
Bali
(Alfred A. Knopf, 1937, New York), pp. 22-23.


En 1931, Miguel Covarrubias a réalisé un enregistrement d’un spectacle de Kebyar Duduk dansé par I Ketut Marya. Aujourd’hui, cette séquence constitue un élément important
de mon spectacle Dancing with Marya. Si cette documentation a joué un rôle essentiel dans la préservation de cette forme de danse, elle a également mené à une codification rigide de sa chorégraphie, ce qui contredit la fluidité et la liberté créative originales que Marya avait introduites. Au fil du temps, la Kebyar Duduk s’est vue de plus en plus soumise à des règles et des normes strictes, en particulier dans les établissements d’enseignement de Bali, où la pakem (la convention) est devenue la pierre angulaire de la diffusion de la danse. Ce processus de standardisation a généré une homogénéisation des gestes, rendant la danse moins flexible et plus conforme aux normes institutionnelles.


Dans Dancing with Marya, je réinterprète les mouvements d’I Ketut Marya en m’alignant sur les séquences des films issus des archives coloniales. Ce faisant, je danse au
travers des époques et des regards et je jette un pont entre le passé et le présent. Par le biais de cette exploration, je révèle de quelle manière les perspectives occidentales ont façonné la Kebyar Duduk, mais aussi à quel point l’industrie du tourisme l’a contrainte en privilégiant, comme souvent, des notions statiques d’« authenticité » au détriment de l’évolution naturelle de la danse.


En outre, j’offre une identification physiologique du corps d’I Ketut Marya en analysant la variété de mouvements et d’expressions corporelles qu’il a présentés dans la création de la Kebyar Duduk. Cette étude formelle donne un aperçu des décisions artistiques d’I Ketut Marya et de la manière dont son expression corporelle a contribué à la création de cette danse. En observant I Ketut Marya à travers le prisme des danseur·euses contemporain·es de Kebyar Duduk, j’explore les possibilités que m’ont offertes les archives, tout en reconnaissant leurs limites, en vue de saisir pleinement les occurrences passées du corps et de la danse, compte tenu de la nature éphémère de cette dernière.


Après avoir étudié et retracé cette danse pendant 11 ans environ, mon engagement profond envers la Kebyar Duduk m’a permis de développer une compréhension nuancée de son évolution et de ses interprétations actuelles.


Au bout du compte, Dancing with Marya aspire à rendre à cette danse «cristallisée» la possibilité de reprendre vie, à lui permettre de transcender sa forme statique et codifiée et à retrouver enfin sa fluidité et son potentiel créatif d’origine. Ma conférence-performance est à la fois une réflexion critique sur l’évolution de la Kebyar Duduk, une invitation à réimaginer son avenir et à lui réouvrir la possibilité d’être enfin à nouveau dansée.

 

 

  • Mang Tri Ray Dewantara, avril 2025
  • Traduit par Isabelle Grynberg

20.05

  • 18:00

21.05

  • 18:00
  • + aftertalk modéré par Ratri Anindyajati (Bahasa Indonesia → EN)

22.05

  • 18:00
  • 20:30

23.05

  • 18:00
  • 20:30

Présentation : Kunstenfestivaldesarts, Beursschouwburg
Chorégraphe, danseur et écrivain : Mang Tri Ray Dewantara | Dramaturge et écrivain : Wayan Sumahardika | Producteur et écrivain : Agus Wiratama | Design audio et visuel : Manik Sukadana | Manager de production : Puji Widiani
Production : Mulawali Institute, Mang Tri Ray Dewantara | Coproduction et partenaires de présentation : Indonesian Dance Festival, Tainan Arts Festival (Taiwan)
Avec le soutien de Langsai Tititan Nusantara et B-PART (Bali Performing Arts Meeting)

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