25 — 29.05

Ann Veronica Janssens Bruxelles

50 km of atmosphere to give a deep blue

arts visuels / performance — premiere

Les Brigittines

Venue avec une chaise roulante à confirmer lors de la réservation en ligne ou via la billetterieAccessible aux personnes en chaise roulante | Français, Néerlandais, Anglais | ⧖ ±1h | €18 / €15

De sculptures de brume à la délicate interaction de la lumière avec des surfaces réfléchissantes, Ann Veronica Janssens explore la fluidité de la matière et repousse les limites de la sculpture. Ses créations existent à la fois par leur apparence et à travers le regard du public. Elles se transforment à mesure de nos déplacements et invitent à l’interaction, suscitant un dialogue dynamique avec nos sens.

Après avoir exposé dans les musées les plus prestigieux, l’artiste propose pour la première fois un projet performatif pour Kunstenfestivaldesarts. Dans la merveilleuse chapelle des Brigittines, l’atmosphère semble devenir couleur, texture et consistance. Ou serait-ce notre perception qui se modifie ? Alors que nous observons l'espace, une personne détaille les instructions d’installation, les caractéristiques techniques et les possibles effets produits par certaines œuvres d’Ann Veronica Janssens. Ces descriptions polyphoniques les font naître dans nos esprits ; les manuels d’installation deviennent des manuels d’imagination.

La performance immersive, expérimentale et presque théâtrale nous fait entrer dans une installation sensorielle et laisse les sculptures pénétrer notre esprit. Un dialogue passionnant entre la réalité et l’imagination, l’une des créations les plus attendues de cette édition. 

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Entretien avec Ann Veronica Janssens

Yann Chateigné – Tu travailles actuellement aux derniers réglages de 50 km of atmosphere to give a deep blue. J’ai l’impression que, depuis des années déjà, l’idée de faire quelque chose de performatif au Kunstenfestivaldesarts était dans l’air.   

Ann Veronica Janssens – Effectivement, le Kunstenfestivaldesarts m’avait déjà proposé, il y a des années, de réfléchir à une proposition, mais je ne voyais pas très bien quoi répondre. C’est comme si je redoutais l’idée de créer un spectacle. J’avais aussi besoin de temps. Je devais me sentir prête. Lorsque Daniel Blanga Gubbay et Dries Douibi [actuels co-directeurs artistiques du festival, NDA] sont venus me voir, nous avons parlé de la manière dont le mouvement fait partie de mon travail, et j’ai été convaincue. Quelle que soit l’invitation, c’est essentiel pour moi de ressentir cet ancrage dans la spécificité de ma pratique. Ce qui était particulier, c’est que Daniel et Dries voulaient dès le départ que mon projet se confronte à l’espace scénique, avec des gradins et une scène.

Tu as pourtant déjà travaillé pour la scène avec notamment Anne Teresa De Keersmaeker et Pierre Droulers.

Oui, mais j’avais un problème avec la distance, parce qu’on ne pouvait pas pratiquer mes expérimentations. Elles devenaient des choses à regarder, et plus à expérimenter. Pour le festival de Tours, en 2000, nous avions tenté une expérience très importante. Le projet était double, il s’intitulait MA et MA-I. C’est dans ce cadre que j’avais réalisé, avec le scénographe Jim Clayburgh, mon premier brouillard artificiel coloré. Les gens entraient par les coulisses et se retrouvaient sur la scène. Il n’y avait aucune visibilité. On pouvait ressentir la décélération, le mouvement dans un espace infini et aux couleurs d’un coucher de soleil rabattu verticalement. Travailler à un dispositif frontal pour le Kunstenfestivaldesarts est un grand défi. À un moment, j’ai pensé présenter des œuvres que le public aurait pu expérimenter sur la scène. J’ai abandonné cette idée pour proposer, au final, un projet qui emploie uniquement le son et la voix comme médiums.

Quel type d’expérience propose la pièce ?

Elle consiste en une lecture de mes manuels d’installation. Depuis mes débuts, mes travaux impliquent la mise en œuvre de protocoles techniques particuliers. J’ai donc produit, en parallèle, ces manuels qui constituent aujourd’hui une sorte de grand catalogue. Leur lecture sur scène est, de temps à autre, interrompue par les commentaires qui sont dits « sous » les œuvres décrites. Ils ont été écrits par différentes personnes, des critiques, des historien·nes de l’art, etc. Il y a aussi un texte de Philippe Bertels qui s’infiltre dans la succession des lectures. C’est une fiction, une écriture très proche de mon travail. J’aime bien qu’il y ait un doute, qu’on ne sache pas exactement ce qu’on est en train d’entendre, puis on vire vers quelque chose d’onirique, de presque fantastique. Je voulais donner une autre matérialité à ce texte qui avait été écrit pour le catalogue de mon exposition Grand bal, qui avait eu lieu au Pirelli HangarBicocca à Milan en 2023. On y entend les éléments qui m’occupent, le temps, la lumière. Je voulais le faire exploser par la voix, dans l’espace. On imagine donc les œuvres sans les voir. Le festival rassemble des publics très différents et j’aime beaucoup cette idée que chaque soir, dans le noir, toutes ces personnes se représentent les œuvres et se projètent dans autant de réalités, différentes et singulières.

Il n’y a donc pas d’image, pas d’objet. Juste du texte, des corps, le son. C’est intéressant, la situation que tu proposes est entre une séance de travail et un moment, presque intime, de dévoilement, entre quelque chose de très technique et à l’opposé, une sorte d’invitation à rêver…

Il n’y a rien à voir. La dramaturgie repose sur les voix. Je lis les manuels et Léone [François Janssens, NDA] lit les commentaires et le texte de Philippe. Il se trouve que Léone est enceinte. Il y a une autre création qui est en train de se faire pendant que la pièce est produite. C’est aussi une histoire de transmission orale. Léone est ma fille, et aussi une complice de travail avec qui j’échange toujours sur mes idées. Elle est comédienne. Elle a l’expérience de la scène. Je n’ai jamais été à l’aise pour parler de mon travail en public. Je n’aurais jamais imaginé que ce fut possible que je sois un jour sur scène. Mais en même temps, je connais tellement bien mon travail que ça semblait juste que ce soit moi qui lise le texte. Se posait aussi la question de la langue : nous avons opté pour un principe de sous-titrage et de projection qui accompagne les voix. C’est un matériau qui est, en soi, une source de lumière, et qui devient important dans la simplicité de la présentation. Le contexte aussi est important. J’ai choisi la Chapelle des Brigittines, c’est un lieu très intéressant, qui a de multiples résonances.

La pièce est également une œuvre en soi, qui fait écho à la composante poétique, atmosphérique, des travaux d’artistes conceptuels historiques comme Lawrence Weiner, Robert Barry ou encore Susan Hiller. Dans leurs pratiques, comme dans la tienne, l’œuvre agit, se forme dans l’esprit du public.

Oui, et d’autant plus que mon travail repose sur des choses immatérielles, des tentatives de saisir l’insaisissable. Mes manuels peuvent être considérés comme des poèmes, c’est vrai, mais ils ont un côté très objectif. Il n’y aucun élément de contexte. Le « je » n’apparaît nulle part. Il y a les légendes des œuvres, le matériel, les manipulations. Ce sont des manuels techniques. C’est très méthodique. J’ai réalisé que, souvent, les personnes qui montrent mon travail ne lisent pas les manuels et je les ai donc sophistiqués : il y a maintenant des alertes, des choses en rouge. À chaque installation, je m’améliore, et les œuvres et les manuels aussi, de fait, évoluent. J’ajoute des observations. Mais c’était trop de détails pour la scène, on pouvait se perdre. Alors j’ai simplifié.

Le titre que tu as choisi est très évocateur. Il fonctionne presque comme une instruction : lever les yeux et imaginer la distance qui nous sépare de l’espace extra-terrestre.

« 50 km d’atmosphère pour créer un bleu profond » est une phrase que j’ai empruntée à Alexandre Wajnberg. Alexandre est journaliste scientifique, auteur et musicien. On vient d’ailleurs de rééditer son livre 8 minutes 19 secondes, un long poème qui parle du cosmos, qu’il avait publié en 2002. 8 minutes 19 secondes, c’est le temps que met la lumière pour parvenir de la surface du soleil à notre œil sur la terre. C’était aussi le titre d’un projet que j’avais réalisé. Comme Alexandre l’avait utilisé pour son livre, je lui ai demandé s’il était d’accord, en retour, que je prenne un morceau de son texte. Pour moi, 50 km d’atmosphère pour créer un bleu profond, c’est une manière de décrire la réalité. J’aimerais rendre sensible à quel point c’est proche. 50 km, c’est la distance entre Bruxelles et Gand. Ça permet de concevoir, d’objectiver quelque chose qu’on met trop souvent de côté. Quelque chose d’imperceptible : 50 km d’atmosphère pour créer un bleu profond.

  • Interview réalisée par Yann Chateigné en avril 2025.
  • Yann Chateigné est curateur et écrivain.

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  • 19:00

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  • + aftertalk modéré par Yann Chataigné (FR)

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Présentation : Kunstenfestivaldesarts, Les Brigittines
Conçu et développé par : Ann Veronica Janssens | Interprété par : Léone François | Collaboration artistique et regard externe : Emilie Lecouturier | Assistante dramaturgie : Marie Henry | Son : Maxime Bodson | Texte Bulb : Philippe Bertels | Citations : Mieke Bal, Ernst Van Alphen, Anders Kold, Maud Hagelstein, Mathieu Poirier, Tristan Ledoux, Michel François, Chris Dercon, Pascal Rousseau | Collaboration technique : Stephane de Ridder (Liveline) | Production : Emilie Lecouturier, Helena Vieira Gomes (Studio Ann Veronica Janssens)
Commandé et produit par : Kunstenfestivaldesarts | Résidence : Les Brigittines
Remerciements : Studio Ann Veronica Janssens, Les Brigittines, Michel François, Sam Bodson, Micheline Szwajcer, Alexandre Wajnberg, Annabelle Gugnon

50 km of atmosphere to give a deep blue est le projet soutenu par les Friends du Kunstenfestivaldesarts en 2025

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