Thank You For Coming: Space est conçu comme un rite pour le corps en deuil, le corps perdu, désorienté, dérouté, brisé.

Quand la pandémie a commencé, toutes les représentations de Space ont été annulées.

Pendant le premier mois de confinement, je suis allée me promener et je suis tombée sur un ami. Nous avons gardé nos distances et discuté maladroitement. Il a lancé nonchalamment : « La poignée de main est morte. » Choquée par son effacement nihiliste de ce geste, j’ai pensé : « Si une chorégraphie aussi chaste qu’une poignée de main est morte, qu’en est-il de mon travail ? » Il doit être mort et enterré. Ou pire, il doit être digital.

Dries [Douibi] et Daniel [Blanga Gubbay] m’ont contactée plusieurs mois après le début de la pandémie pour créer [au Kunstenfestivaldesarts] une version de Space compatible avec le Covid. Dans Space, je suis seule avec le public. Intime, proche, tactile. Je crie près d’eux, trébuche sur leurs genoux, je traîne mon corps, vibrant, bouche ouverte, sur le sol. Je leur demande : « Pouvez-vous tenir ma tête ? » Et ils la tiennent, encore et encore. De tout son poids.

Impossible. Terminé.

Mais en tant qu’artiste, j’ai ressenti l’impératif de m’adapter, d’étendre mon corps jusqu’à atteindre ce moment où les gens meurent seuls, sans être touchés, ni soutenus. Ce n’est pas le monde que je veux, mais c’est celui dans lequel nous vivons. Maintenir la tension entre intimité et distance. Essayer de trouver de nouveaux mécanismes et de nouvelles prothèses pour se toucher à travers les objets, l’imagination, le son. Prendre des risques au sein de cette contrainte exceptionnelle.  
 
Alors me voici, essayant de tenir, tenir bon, me tenir ici.

• Faye Driscoll