08.05, 09.05, 11 — 13.05.2005

Amir Reza Koohestani / Mehr Theatre Group Téhéran

Amid the Clouds

théâtre — premiere

Les Brigittines

Farsi → FR, NL

Derrière une fenêtre : un pas de danse, le bruit de la mer... Deux Iraniens, Imour et Zina, se rencontrent alors qu'ils font route vers la terre promise. Zina, enceinte, veut mettre son enfant au monde de l'autre côté de la Mer du Nord et y demander asile. Imour, lui, essaie d'oublier les peurs qui le hantent... Dans Amid the Clouds, le jeune auteur et metteur en scène Koohestani - remarqué l'année dernière au Festival avec Dance on Glasses - ancre la rythmique de la tradition du récit perse dans la réalité des camps de réfugiés. Ses phrases nous bercent et nous immergent dans le quotidien de ces deux naufragés en quête de leur identité...

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Durant le festival deFadjre (Téhéran) on voit que le public porte un intérêt tout particulier pour le théâtre. Les salles sont pleines et les gens font la queue pour les billets. Quelle signification revêt le théâtre pour la société iranienne ?

Cela arrive également lors du festival Fadjre pour les films ou la musique. De longues files se forment, même pour les représentations amateurs des étudiants en théâtre et en musique ainsi que pour les courts métrages de débutants. C’est la première chose qui frappe dans ce festival.

Je pense qu’à cause de la position qu’occupe l’Iran dans le monde d’aujourd’hui, et plus que partout ailleurs, l’art, que ce soit le théâtre, la musique ou le cinéma, arrive à mieux accomplir son rôle politique et social, surtout le théâtre. Les arts de la scène sont le fruit de leur époque : ils peuvent non seulement refléter la société actuelle mais aussi, plus que les autres formes d’art, provoquer un mouvement et une élévation de la pensée dans la société à laquelle ils s’adressent. Les autres médias, la musique, le cinéma, la radio et la télévision, du fait de la pression financière et de leur caractère populaire, ne peuvent arriver à faire une analyse profonde de la société. Dans le cas des arts plastiques, comme la peinture et la sculpture, leur langage abstrait et inaccessible les rend impuissants à exprimer, à analyser ou à représenter ce qui se passe réellement dans la société iranienne d’aujourd’hui. Tandis que le théâtre, lui, arrive à une analyse plus profonde et plus réaliste de son environnement : grâce à sa maîtrise du langage sémiotique, sa représentation des mythes et des idéaux de l’Homme et son rapport vivant avec son interlocuteur, en l’occurrence le spectateur, qui est bien présent et participe à la création même de l’œuvre sur scène. Et ceci, tout en évitant que l’interlocuteur ne reste captif des méandres de l’abstraction et de l’interprétation. Une des plus grandes réussites du théâtre contemporain en Iran, est d’être parvenu à trouver un langage commun avec son public.

Votre dernière pièce, Amid the Clouds, a des éléments mythiques – plus particulièrement en la personne de la mère nomade du jeune homme, qui donne naissance à son fils dans l’eau. En même temps il y a une connotation réaliste, deux jeunes gens en route vers l’Angleterre. D’où vous est venu l’inspiration pour cette pièce ? Dans la mythologie ou dans le monde d’aujourd’hui ? Comment arrivez-vous à « mélanger » les deux ?

Pour moi, au départ, ce n’était qu’un fantasme d’enfant. Dès mon plus jeune âge, en lisant les épopées d’Iran et d’ailleurs, j’aimais imaginer ce qui arriverait, si tel ou tel personnage se promenait à cheval, harnaché dans son armure, son casque, son épée et d’autres panoplies, dans l’embouteillage des avenues de Téhéran?! Si j’avais esquissé cela à l’époque, le résultat aurait été une comédie de circonstances, gâchée d’avance. Le temps m’a aidé à mieux entrevoir le caractère dramatique. Les gens qui, dans le monde d’aujourd’hui, tentent de ré-actualiser les légendes, ne font que détruirent leurs propres idéaux voire les légendes elles-mêmes.

Cette idée, je l’ai mise en évidence pour la première fois dans la pièce Dance on glasseset l’effet en fût violent et mordant. Tout a été différent pour Amid the Clouds. Je voulais relater le vécu de mon pays, j’ai donc essayé d’utiliser des personnages poussiéreux de notre propre histoire, en tenant compte du projet initial qui se rapportait à la migration. Je suis parti des tribus nomades qui sont éternellement en voyage, à la recherche de territoires au climat plus clément. Ceci fût le début du récit de mes personnages. Eux aussi voyagent pour une vie meilleure et doivent parcourir les régions vertes de l’Europe, ses montagnes, ses vallées et ses fleuves aux flots abondants pour arriver à leur Terre Promise. C’est l’histoire des gens d’aujourd’hui. Des gens qui, à la recherche du bonheur se retrouvent face à leur identité et à leur passé.

Chez vous, le théâtre est d’un dépouillement et d’une concentration extrême. C’est aussi une forme très originale, sombre et figée. Comment en êtes-vous arrivé à ce style très particulier ?

Je dois vous avouer qu’au départ, cette forme m’a été imposée plutôt que choisie délibérément. Quand j’ai décidé, pour la première fois à Shiraz, de poursuivre le théâtre en tant que professionnel, je ne possédais que le pouvoir de perfectionner des histoires étranges et un groupe d’acteurs bien préparés. Nous n’avions ni argent ni lieu de répétition. Nous étions donc obligés de travailler avec un minimum de décors et d’accessoires. Ceci nous a permis de bâtir le spectacle en nous concentrant sur l’histoire et sur le jeu d’acteur. Ces deux éléments ont pris donc plus d’éclat que les autres composantes de la scène.

J’ai fait de même pour Dance on glassesmais je craignais le rejet de cette forme par le public. C’est pour cela que j’ai essayé de rendre cette immobilité et cette forme de narration plus vraisemblable en utilisant des logiques réalistes. Par exemple, toute la pièce est narrée par le biais de la conversation téléphonique entre le jeune homme et son médecin traitant. J’aurais préféré relater l’histoire sans intermédiaire, pourtant j’ai dû avoir recours à des jeux de mots entre deux personnages, pour rendre l’immobilité supportable pour le spectateur.

Dans mon spectacle suivant, Recent Experiences, j’ai essayé de passer outre et malgré cette même immobilité, cette fois, les acteurs narrent l’aventure sans intermédiaire et s’adressent directement aux spectateurs. Néanmoins, dans la réécriture du texte, tout en préservant la structure originale de la pièce, j’ai essayé de rendre les scènes de dialogues plus palpables et plus attrayantes.

Avec Amid the Clouds tout a été différent : je me suis rapproché de mon idéal théâtral. Même si le sujet se rapporte à la migration, au déplacement d’un groupe d’un endroit à l’autre, j’ai pu sauvegarder le caractère figé, la narration directe face aux spectateurs et le recours à de longs monologues. Les dialogues ont été dépouillés de tout attrait superflu pour ne se concentrer que sur le déroulement de l’histoire.

Vous êtes le directeur de Mehr Theatrical Group de Shiraz. Présentez-nous votre compagnie. En quoi votre travail diffère-t-il de celui des autres institutions théâtrales ou des autres compagnies ? Comment décririez-vous votre public ?

Mehr, dans sa volonté et son noyau originel, est dérivé d’un atelier d’acteurs du même nom. Dans cet atelier, tout en cherchant à expérimenter une nouvelle manière de jouer, on essayait de mettre la main sur une forme appropriée de dramaturgie et de mise en scène, qui serait en harmonie avec cette façon de jouer. Initialement, tout était sous l’influence des divers regards que les acteurs portaient sur le jeu théâtral, basé sur la volonté de rendre les personnages aussi vraisemblable que possible pour les spectateurs. Après un certain temps, le groupe est arrivé à de nouvelles plate-formes de réalisations et de dramaturgies qui à leur tour ont abouti à une révision et à une évolution du style personnel des acteurs du groupe. Actuellement nos efforts se portent sur l’expression et la représentation de la condition de l’homme d’aujourd’hui, sans tenir compte des frontières ni des nationalités. Montrer des moments de désirs et de regrets alors qu’il se trouve dans une impasse.

Amir Reza Koohestani

Texte et mise en scène:

Amir Reza Koohestani

Avec:

Shiva Fallahi, Hassan Madjooni

Musique:

Ali Bahrami

Lumière:

Farshid Mosadequ

Producteur exécutif:

Mehr Theatrical Group (Shiraz)

Production:

Wiener Festwochen, KunstenFESTIVALdesArts

Coproduction:

Théâtre de la Bastille (Paris)

Amid the clouds a été écrit en 2004 pendant une résidence au Royal Court Theatre à Londres dans le cadre de "The 2004 International Residency for Emerging Playwrights"

Présentation:

Les Brigittines/De Brigittinen, KunstenFESTIVALdesArts

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