05 — 07.05, 09.05.2004
Amir Reza Koohestani / Mehr Theatre Group Téhéran
Dance On Glasses
théâtre — premiere
Farsi → NL, FR | ⧖ 1h10
Elle et lui sont assis, chacun à l'extrémité d'une table, longue de... quatre mètres. Sans discontinuer, ils se parlent et s'affrontent, tout en retenue.Si proches, si lointains. Disposés face à face, les spectateurs les écoutent. Cela te fait-il peur de danser sur du verre ? insiste-t-il. Plus il la harcèle, plus elle se replie ; plus il l'enferre, plus elle s'échappe. Dance on glasses est la troisième pièce de Amir Reza Koohestani (Shiraz, °1978). Une jeune écriture incandescente et tranchante où la rage de tout offrir cache le désir de tout maîtriser, où l'obstination à refuser révèle la faim de s'affranchir. Quitte à s'égarer. Une histoire iranienne, une bataille universelle.
Shiraz, le 5 mars 2004
Trois années se sont écoulées depuis que j’ai écrit Dance on Glasses. Trois années : trois mois d’écriture, six mois de répétitions et une centaine de représentations. Après tout ce temps, me voilà à nouveau, attablé dans cette même chambre en train d’écrire une note sur ma pièce, dans cette chambre où elle connu sa première répétition.
Dance on Glasses était le fruit de mon ambition théâtrale. Ses longs silences, sa mise en scène quasi immobile et l’obscurité dans laquelle baigne sa première scène, apparaissaient alors aussi étrangers à notre théâtre encore habitué au réalisme usé du 19° Siècle que notre langue persane l’est à votre pays. Je me souviens de la peur ressentie lorsque pour la première fois j’ai vu Dance on Glasses à travers les vitres fumées de la salle technique, en présence d’un public. La frayeur qui m’ébouillantait le sang dans les veines, remontait pour me chauffer le cerveau. Ma main tremblait en actionnant l’interrupteur de lumière alors que ma voix enrouée encourageait la troupe : « Tout va bien, nous réussirons. » Pour moi, c’est cette incertitude même du résultat qui donne ce goût suave au théâtre. Je ne savais pas si on réussirait. Un mensonge auquel nous nous sommes habitués pour masquer notre faiblesse et le manque de foi dans ce qu’on vient de faire.
Dance on Glasses, ce sont mes propres souvenirs, en partie. Dans ma mémoire, les personnages portaient d’autres noms, la chambre était différente et il n’y avait pas de table ou de danse. Toute la pièce n’était que silence et obscurité. Le silence de quelqu’un, couché dans le noir, qui ne parvient pas à dormir, qui ne dit rien : dénué de toute pensée, il fixe les ténèbres. Un robinet fuyait, goutte à goutte. Je me souviens de la souffrance ressentie face à tous ces mots et ces dialogues qui ne faisaient que noircir les pages : ils leurraient le silence.
Tu étais stone cet après-midi ?
Non, je ne l’étais pas.
Tu ne l’étais pas ?
Non.
Alors pourquoi tes yeux étaient-ils rouges ?
J’avais pleuré.
Pourquoi avais-tu pleuré ?
Parce que j’avais mal aux pieds.
Lorsque je brise ainsi le silence, tout ce qui me reste c’est un sentiment de regret et d’échec. Silencieux, j’étais révolté et en colère, ne comprenant pas les mots défraîchis et miteux des autres, envahi par un nouveau vocabulaire qui pourrait construire le monde de demain. Mais dès que j’ouvre la bouche, ces mots nouveaux se déversant me paraissent froids et dénués de sens. Car ils ressemblent à ceux, usés, qu’enfant, j’entendais de la bouche de mes parents : je ne les voulais pas. Mes propres mots ne m’offrent ni perspectives ni amis. Ils ne font que préserver le peu que je possède. Je peux seulement me servir d’eux, pour commander un Pepsi ou dire bonne nuit à ma plante verte avant de me recoucher, pour une autre nuit à fixer l’obscurité, vidé, dénué de tout sentiment. Alors que le robinet continue à fuir, goutte à goutte...
Amir-Reza Kouhestani
Shiraz, hiver 1382*/2004
* l’année solaire iranienne
Auteur en regie/Auteur et metteur en scène/Playwright and Director: Amir Reza Koohestani
Choregrafie/Chorégraphie/Choregraphy : Ehsan Hemmat, Sara Reyhani
Met/Avec/With: Ali Moini, Sharare Mansourabadi
Dans/Danseuse/Dancer : Sara Reyhani
Decor-, licht- & geluidontwerp/Décor, éclairage & son/ Stage, Light & Sound Designer: Amir Reza Koohestani
Dans trainer & decor/Entraîneur danse & décorateur/Dance Trainer & Designer: Ehsan Hemmat
Kostuumontwerper & make-up/Concepteur des costumes & maquillage/Costume Designer & Make-up: Ali Moini, Sharare Mansourabadi
Muziek selectie/Sélection de la musique/Music Selection: Amir Reza Koohestani, Ehsan Hemmat
Muziek/Musique/Music: "Host Of Serphim" By: "Dead Can Dance"
"Orion" By: "Metallica"
"Thousand Years" By: "Stings"
Vocaal schrijven & vocalist/Composition vocale & vocaliste/Vocal Compose & Vocalist: Ali Moini
Directeur van klank technologie/Directeur technologie son/Director Of Sound Technology: Mahin Sadri
Directeur van licht technologie/Directeur de la technologie lumière/Director Of Light Technology: Sasan Riasatian
Productieleiding/Directeur de la production/Production Manager: Reza Hoseinipour
Hoofdproducent & met de steun van/Producteur principal & avec le soutien de/Main Producer & Supported by : Iran Dramatical Arts Center
Presentatie/Présentation/Presentation : KunstenFESTIVALdesArts