11 — 13.05, 15.05, 16.05.2018
Encore trop peu connue en Europe, l’œuvre d’Eduardo Fukushima explore la force expressive et transformatrice du mouvement. Le jeune chorégraphe se nourrit de ses origines à la fois brésiliennes, japonaises et italiennes, pour croiser, dans ses émouvants solos, différentes sensibilités et pratiques du mouvement telles que le tai chi et la street dance. Avec Titulo em Suspensão, Fukushima incarne une mutation turbulente et intranquille. Il creuse la présence d’un corps solitaire, semblable à une feuille d’arbre ou une pierre posée sur la surface vide du plateau… Jusqu’à ce que ce corps, fragile, se fasse délicatement emporter dans un bruissement annonciateur de l’Apocalypse. Titulo em Suspensão est une performance saisissante. Elle fait naître avec elle un monde, poétique et trouble, qui régénère autant qu’il fascine. Une perle.
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Título em Suspensão est le dernier solo du chorégraphe et danseur Eduardo Fukushima. Sa création a été motivée par la construction d’une figure qui déforme sa propre image. L’insertion d’éléments qui forment un répertoire renouvelé de mouvements, de sons et d’impressions, font surgirent un étrange corps qui déconstruit l’idée d’un être humain ordinaire. La relation avec la lumière naturelle et la durée du phénomène cyclique jour-nuit. Le passage et l’immersion dans et à travers divers situations, lieux et résidences. Résister à la vitesse de São Paulo, aux pierres de Dresde, au froid de Francfort, au ciel gris de Düsseldorf, aux sorcières et aux cromlechs préhistoriques de Lesaka. Le visible comme l’invisible prennent part à cette suspension.
Rubén Ramos Nogueira à propos Título em Suspensão
Título em Suspensão est une réponse à l’invitation faite par l’artiste colombien Mateo López à composer autour d’une sculpture interactive exposée à la galerie Luisa Strina de São Paulo en 2016. Fukushima commence à développer sa pièce directement sur place en s’inspirant des similitudes entre la couleur du sol et celle du ciel de São Paulo. Júlia Rocha qui collabore avec lui lors de cette résidence (comme assistante chorégraphique) ajoute sa voix à la recherche de l’artiste. L’oeuvre continue ensuite à se développer en Allemagne avec l’aide du musicien français Rodolphe Alexis, qui accompagne également Fukushima dans sa résidence. En Allemagne, l’équipe réalise des enregistrements de la voix de Júlia Rocha associée au paysage sonore environnant le lieu de la résidence. Ce matériel sert de matière première à Rodolphe Alexis pour créer sa composition musicale. Le musicien réalise un paysage sonore qui évolue selon les nouvelles directions que prend l’oeuvre. La composition reste cohérente et s’incorpore aux mouvements de Fukushima : elle est constamment au service de la chorégraphie, comme si elle la prenait en filature. Pour rencontrer la nature, Fukushima a dû quitter le Brésil, pourtant le territoire d’une nature luxuriante et exubérante,
pour se rendre en Europe. Ce voyage s’est fait en deux étapes : d’abord en Allemagne puis dans une enclave sauvage de Navarre. Comme beaucoup de ses compatriotes brésiliens d’origine japonaise, Fukushima est né à São Paulo, une mégalopole où il est difficile de trouver la nature. Il est bien plus facile d’y accéder par hélicoptère.
[…]
Contrairement à sa dernière oeuvre, la chorégraphie que l’on observe sur scène n’est pas autobiographique, elle se constitue comme une chose à part. Elle s’éloigne en quelque sorte d’elle-même pour se transformer en voyage calme et contemplatif (avant qu’elle n’explose en une frénésie bruyante et frémissante) motivé peut-être par un regard ouvert sur l’extérieur. Un voyage qui évoque parfois le parfum persistant des quelques techniques orientales apprises par Fukushima.
À l’instar de Fukushima qui a dû partir en Europe pour trouver la nature, j’ai dû à mon tour découvrir le travail d’un Brésilien pour me souvenir de l’existence d’un type d’expression qui, peut-être à travers quelques liens distants et références partagées, se développe dans d’autres géographies du monde.
Cette pièce (qui, comme l’explique lui-même Fukushima, ne sera complètement achevée qu’après de multiples mises en scène) fait partie de ces oeuvres qui, lorsque l’on entre en elles et que l’on se connecte avec elles, exacerbent notre perception, exaltent les odeurs et tous nos autres sens. Ainsi, alors que nous échappons à ce que l’on nomme « réalité », nous goûtons peut-être une illusion, où tout semble nouveau et différent de ce que l’on a laissé derrière nous. Et peut-être bien que si nous sommes maintenant autrement, ce n’est pas une illusion.
Rubén Ramos Nogueira
De & avec
Eduardo Fukushima
Musique & création sonore
Rodolphe Alexis
Dramaturgie
Júlia Rocha
Lumières
Hideki Matsuka, Igor Sane
Costumes
Eduardo Fukushima, Alex Casimiro
Merci à
Mateo López, André Menezes, Beatriz Sano, Eduardo Bonito
Production
Carolina Goulart
Présentation
Kunstenfestivaldesarts, Les Brigittines
Coproduction
Sesc (São Paulo)
Avec le soutien de
Galeria Luisa Strina (São Paulo), Hellerau (Dresde), Künstlerhaus Mousonturm Frankfurt am Main, TanzHaus NRW (Düsseldorf), Festival DNA (Navarre), juntamente com Rolex Mentor & Protégé Arts Initiative (Genève)